Jusqu'à quand continuer à pratiquer la politique comme charité quand il s'agit de reconnaître au peuple ses droits et libertés intangibles à des lois justes en abolissant les lois scélérates qui le briment encore près de six ans après sa révolution voulue être celle de la dignité ?
À l'occasion de la célébration de l'anniversaire de la République tunisienne, la présidence de la République a ainsi annoncé une grâce de plus de mille six cents détenus entre libération et allègement de peine.*
Des lois injustes à abolir
Une telle traditionnelle mesure se voulant de bonne politique n'est que la plus mauvaise manifestation de la gouvernance, faisant de la politique une pratique de la charité.
Car la plupart des personnes graciées, élargies ou voyant leur peine allégées, ont toutes été pour la plupart jugées au vu de textes de lois liberticides, scélérats mêmes, et qui sont de plus caducs depuis l'adoption de la nouvelle Constitution. Ces personnes ne devaient donc plus être en prison après les nouveaux acquis constitutionnels.
Il est vrai, on n'a pas le détail des délits concernés par la grâce présidentielle ; mais il y est de fortes chances que cela concerne essentiellement des infractions à la loi n° 92-52 du 18 mai 1992 réprimant la consommation de cannabis.
Car nos prisons sont surpeuplées de jeunes coupables de violation de cette loi injuste que les autorités tardent pourtant à abolir. Un projet de loi existe certes et est examiné par le parlement, mais il ne s'agit que de réformette, relevant justement de cette politique de charité politique que nous dénonçons ici.
En effet, le projet de loi gouvernemental maintient le principe de pénalisation de la consommation du cannabis alors qu'il faut le dépénaliser. Car il a été prouvé que cette herbe est moins novice que la cigarette; aussi, si on ne la dépénalise pas, il nous impérativement faut pénaliser le tabac. C'est le droit et surtout l'éthique qui l'imposent.
État des lieux de nos prisons
On ne peut plus se désintéresser de l'état de nos prisons, ou se satisfaire d'initiatives qui n'ont de sens que commercial, comme l'installation de taxiphones dans les prisons quand leur état de délabrement et les mauvaises conditions de vie mettent en danger la santé des détenus déjà pénalisés par une hygiène insuffisante et brimés par des pratiques abusives. Or, la prison doit être un lieu de réhabilitation !
Dans son dernier rapport exhaustif sur les prisons tunisiennes, le bureau de Tunis du Haut Commissariat aux Droits de l’Homme de L’ONU avait déjà tiré le tocsin d'alarme, pointant du doigt le niveau intolérable du surpeuplement de nos prisons étaient en plus des conditions de vie pénibles pour cause notamment de la législation répressive inadaptée sur les stupéfiants.**
Ainsi signala-t-il, ce qui a empiré depuis, que l'âge moyen de la population carcérale était de 18 à 49 ans avec 60 % de récidivistes et une cohabitation systématique, du fait du surpeuplement, des auteurs de délits mineurs et des meurtriers.
En effet, et le constat était déjà très accablant pour les autorités, il nota que 53% des jugements d’emprisonnement sont rendus pour infraction à la législation sur les stupéfiants, particulièrement pour la consommation du cannabis.
Aujourd'hui, en l'absence de statistiques fiables, on doit avoir près de 10.000 personnes, d'une population carcérale estimée au moins à 30 000 détenus, emprisonnés juste pour consommation de cannabis.
Le plus grave est que les auteurs de délits mineurs sont surtout d’innocents étudiants et des jeunes dont le seul tort est d’avoir consommé du cannabis, une pratique courante chez la jeunesse partout dans le monde.
Ce rapport réclamait déjà la dépénalisation absolue de la consommation et l’option exclusive pour les peines alternatives à la prison, comme des condamnations aux travaux d’intérêt général. Et c'est dans le même sens qu'a abondé le comité spécialisé de l'ONU, rendant plus récemment un rapport éloquent insistant sur la nécessité de dépénaliser totalement la consommation et de concentrer les efforts à lutter contre les trafiquants, seuls criminels en la matière.***
Rendre ses libertés au peuple
Pourquoi donc ne pas arrêter avec notre politique de fausse charité ? Ainsi, au lieu de mesures cosmétiques gardant en l'état la cause immorale qui amène fatalement à brimer les innocents, qu'on s'attaque doc à la source en abolissant les causes immorales et illégales du mal ?
Outre la loi inique sur les stupéfiants, il en est aussi d'autres aussi scélérates, comme l'article 230 sur le cannabis et ces honteux textes restreignant les libertés privées et qui ne font nullement honneur à l'État libéral et de droit auquel aspire la Tunisie.
À la veille de la célébration du 25 juillet, il n'est jamais tard d'indiquer la bonne direction en donnant la juste orientation au futur gouvernement d'union nationale d'engager, toutes affaires cessantes, la réforme législative afin de conformer nos textes à la constitution.
Et on devrait même commencer par décider un moratoire dans l'application des lois les plus scélérates qui donnent toute latitude à brimer et à emprisonner des innocents à des juges qui violent allègrement le droit suprême — celui de la Constitution — au nom du droit inférieur, celui des textes de lois obsolètes et nulles de nullité absolue.
C'est ainsi et ainsi seulement qu'on célébrera dignement au nom du peuple sa fête de la République, et ce en lui rendant ses libertés, démontrant que c'est bien la chose de tous (res publica)et non celle de ces démons de la politique.
La démocratie doit être, en effet, le pouvoir du peuple et non la chose des démons de la politique qui en font une démoncratie ou daimoncratie !
NOTES