Brexit, chance pour une Europe nouvelle ?
La crise de l'Europe au lendemain du vote britannique est grosse de son antidote, la régénération de l'Europe, recentrée sur son essence que furent un esprit de conquête et une quête de solidarité, de conquête. Or, cela n'est plus guère possible qu'en direction de sud d'une Europe redevenue méditerranéenne.
L'interdépendance euromaghrébine
C'est en cette mer guère plus commune que se joue le futur du monde. La situation d'inimitié actuelle ne peut continuer ; or, elle est alimentée par la cécité européenne aux périls menaçant ses marches au Maghreb qui est une partie intégrante d'elle aux dires de son plus grand penseur que fut Hegel.
De plus, l'Europe est structurellement présente en ce Maghreb qui dépend d'elle sur tous les plans et non seulement économiquement ; c'est le cas particulièrement de la Tunisie engagée dans une rénovation tous azimuts, une révolution mentale y étant en cours, susceptible de transfigurer l'islam et donc la face du monde aujourd'hui endeuillé par les retombées de sa crise axiologique.
Elle l'est aussi et surtout géographiquement du fait des présides espagnols au Maroc, extension territoriale européenne au Maghreb qui ne saurait rester plus longtemps à l'écart de la réalité institutionnelle d'Europe ayant bien plus à partager avec elle que nombre de pays actuels dans l'union qui pourraient être tentés demain de s'en aller.
Ce qui n'est pas le cas de pays comme la Tunisie et le Maroc qui ne peuvent se passer d'Europe et qui ne saurait se désintéresser de leur sort.
On se rappelle que dans les années soixante, le roi du Maroc avait déjà acté la candidature de son royaume à l'Europe de l'époque. La Tunisie de Bourguiba a osé, en ces mêmes années, proposer la solution en Palestine qui aurait changé la face du monde.
Paix en Méditerranée
Sa proposition doit être ressortie de sous les cendres dogmatiques car la paix en Méditerranée est intimement liée au retour à la légalité internationale en Palestine. Or, cela ne saurait se faire sans fait majeur important de nature à changer la donne en Méditerranée du tout au tout ; et c'est l'intégration des deux pays qui comptent aujourd'hui au Maghreb en termes de proximité avec l'Occident et de mutation postmoderne.
Au demeurant, rien ne se fera de valable ni en Tunisie ni au Maroc, aussi bien politiquement qu'économiquement, sans intégration au système de droit européen pour espérer l'y étendre. Trop d'intérêts se satisfont actuellement de la situation de non-droit dans ces États pour espérer venir à bout de l'hydre terroriste, physique comme mentale, qu'elle soit celles des contrebandiers alliés aux intégristes djihadistes ou des néocolonialistes alliées aux néolibéraux entichés de capitalisme sauvage.
La sortie de la Grande-Bretagne doit être cette chance pour l'Europe de se remettre en question pour rompre avec sa politique actuelle de désintérêt du sort du Maghreb, la Tunisie en premier, car ce qui s'y passe est gros de périls pour sa propre sécurité.
L'Europe aujourd'hui motivée par l'ouverture de nouveaux marchés par le libre-échange doit se soucier aussi et en premier du commerce des hommes en s'ouvrant à la libre circulation humaine moyennant l'outil fiable du visa biométrique de circulation qui inaugurerait la première étape d'un espace de démocratie méditerranéenne devant déboucher sur l'intégration institutionnelle de ce Maghreb déjà membre informellement de l'Europe en crise.
Alors, celle-ci serait le jugement qui est son étymologie, révélant la vérité profonde des choses, leurs réalités ignorée ou occulté aujourd'hui. Et elle est dans l'interdépendance du Nord et du Sud, surtout en Méditerranée, car si la Tunisie tombe sous les coups de Daech déjà installé en Libye, c'est la citadelle Europe qui sera la prochaine victime de ces nouveaux Huns.
La figure emblématique du gavroche djihadiste
N'est-ce pas le propre de moments de crise de nous montrer à quel point de véracité atteint la mise à nu des vérités en un moment, comme celui que nous vivons, réunissant à la fois les caractéristiques de la révolution et de la crise tout en se situant à l'orée d'une époque nouvelle, celle de la postmodernité ?
Comme l'étymologie le précise encore, une époque est une parenthèse ; et le propre d'une parenthèse est de se fermer une fois ouverte. L'époque postmoderne venant de s'ouvrir, cela suppose forcément que la parenthèse de l'époque moderne qui l'a précédée se ferme avec ses concepts éculés, tel celui des frontières.
C'est ce qu'on s'obstine à refuser de voir, continuant à reproduire les valeurs dépassées de cette modernité qui fut grandiose à plus d'un titre, mais qui n'est plus de mise, n'étant désormais qu'une momie, déconnectées de la faim de vivre des jeunes, leur vouloir-être.
Finissons en rappelant que chaque époque a une figure qui lui sert de modèle, de manière d’être dans la vie sociale ; c'est ce que Durkheim appelle une « figure emblématique ».
Jusqu'à hier, c'était celle de l'adulte, ce fut la figure emblématique de l'époque moderne : sérieux, moralisateur et même machiste. Aujourd'hui, en notre époque postmoderne, c'est le jeune, effronté de préférence, adolescent à la découverte des sens, jeune pas encore arrivé, pas encore établi, nomade et souvent en révolte ; bref, ce qu'on a appelé l'enfant éternel, le fameux puer aeternus, un peu à l'image paroxystique du « zoufri » des villes maghrébines ou la petite frappe des banlieues européennes.
Cet enfant éternel est désormais bien repérable dans les masses, nos tribus modernes qui recréent, même à l'excès, par la violence aussi, les solidarités anciennes autour d'affections communautaires, des communions électives.
Il est tout à la fois le gavroche romantique que le cruel djihadiste ou le kamikaze qui offre son rien en don, réduisnt à un rien commun ce qui relève déjà du néant des valeurs bafouées. Baudrillard a déjà bien parlé de ce phénomène.
C'est ainsi qu'on comprend mieux, par exemple, l'holocauste moderne en Méditerranée, selon la cruelle formule d'une juste voix d'Europe, qui en appelle ainsi et fatalement d'autres, en dévergondant le sens au passage, l'excès étant toujours gros d'autres excès bien pis !
N'est-il pas temps, pour les justes de part et d'autre, en cette mer commune qu'est la Méditerranée, de détromper la vérité hégélienne que « l'Histoire est un abattoir dans lequel furent sacrifiés le bonheur des peuples, la sagesse des Etats et la vertu des individus»?