Honorer la femme en Tunisie ? Chiche !
On n'arrête de se gargariser de slogans creux, surtout lors des commémorations censées être l'occasion d'agir au lieu de pérorer dans le vide: pourtant, on sait que la nature a horreur du vide !
Ainsi en est-il de la journée de la femme ce 8 mars qui s'annonce aussi orpheline en actions concrètes que les précédentes. Et ce malgré le fait que la Tunisie est supposée gouvernée par un fervent féministe, ayant même été porté au pouvoir un nombre important d'électrices.
Alors, osera-t-il déroger à la règle et faire mieux que son prédécesseur qui sa complaisait dans un rôle de saltimbanque de la politique politicienne, veillant surtout à jouer à la diva, sa présidence n'ayant été qu'un récital à la Castafiore, cette célébrité de la bande dessinée qui, malgré sa renommée internationale chantait faux !
C'est d'autant pus urgent que même la bande dessinée n'échappe plus à la censure en ce pays martyrisé, à l'image de sa constitution qu'on s'évertue à garder lettre morte ! Ainsi a-t-on vu la populaire BD Bokbok condamnée à l'invisibilité pour avoir osé dire que ceux qui gouvernent la Tunisie aujourd'hui sont nos amis américains.
Ce faisant, ce qu'oublient les censeurs, c'est que, d'une part, ce qui est invisible n'est pas moins réel et continue à agir encore plus efficacement que ce qui est visible. C'est d'ailleurs le premier enseignement de la révolution tunisienne qui est d'abord un Coup du peuple, une transformation radicale de la mentalité populaire dont on ne veut pas encore tirer suffisamment la conséquence logique, celle de l'abolition de l'arsenal juridique répressif de la dictature.
Ce qu'on oublie aussi, d'autre par, c'est que le peuple tunisien, au-delà des marchands du temple de la politique à l'antique n'est pas anti-américain; bien au contraire ! Les analyses sociologiques les plus pertinentes, allant aux creux des apparences, démontrent qu'il garde cet amour qui était perceptible lors de la guerre d'indépendance et les premières années de la Tunisie indépendante; il reste que la soif de justice et de dignité du Tunisien crée une insatisfaction qui prend la forme d'un dépit amoureux qu'il suffirait de si peu pour l'annihiler. En un mot : reconnaître ses droits au peuple en mettant en oeuvre les libertés et droits arrachés de force par la société civile.
Le 8 mars donne d'ailleurs une occasion en or pour le faire. Pour démontrer la sincérité de nos politiciens, pourquoi ne pas saisir cette date pour officialiser le projet de loi soumis au groupe parlementaire le plus important, celui du parti islamiste, et appelant à l'instauration immédiate et progressivement d'une égalité successorale entre les sexes ?
Le projet, qui est en arabe ici*, et dont on donne ci-après la traduction française, est de nature à attester de la véridicité des uns et des autres et serait de nature à honorer vraiment la femme en sa journée internationale.
Alors, on veut honorer vraiment la femme en Tunisie ? Alors, on sait quoi faire!
Projet de loi
pour
l'égalité successorale
Eu égard à la consécration constitutionnelle de la parfaite égalité des citoyens,
Tenant compte du rôle éminent de la femme dans la société tunisienne et son droit d'égale de l'homme,
Et par référence aux visées de l'islam qui a honoré la femme et élevé son statut dans une démarche progressive et progressiste en conformité avec le sens de l'histoire et les valeurs humanistes universelles,
L'Assemblée des Représentants du peuple décide :
Pendant une durée de dix ans à partir de l'entrée en vigueur de la présente loi est suspendue dans le livre neuf du Code du Statut personnel intitulé "De la succession" la règle de l'attribution à l'héritier masculin d'une part double de celle revenant aux femmes.
Durant cette période et sauf refus avéré de la femme concernée, il lui sera attribué une part égale à celle revenant à l'héritier de sexe masculin.
Au bout de dix années d'application de la présente loi, elle sera confirmée et rendue définitive ou abrogée selon une évaluation réalisée sur la décennie de son application.
Celle-ci sera examinée par l'Assemblée des Représentants du Peuple avant la fin de la décennie d'application de la présente loi pour sa confirmation définitive ou son abrogation.