Attaques de Paris : Pour un monde d’humanité, une mondianité !
Les ignobles attentats de Paris viennent de nouveau dire, s’il en était besoin, qu’il n’existe nulle totale sécurité, le risque zéro étant une illusion.
Mieux, en ces temps d’aggravation des divisions entre minorités de pays riches, anciens seigneurs saigneurs du monde, et une majorité de pays pauvres, aucune frontière, même hermétiquement fermée, ne peut assurer la paix à l’intérieur de son territoire ainsi sanctuarisé supposé garantir la paix quand on le transforme juste en cible idéale aux exclus, les damnés terroristes des damnés de la terre.
L’horreur dans les rues de Paris et de Saint-Denis doit inciter les responsables français et européens à un peu plus d’humilité pour reconnaître la part de responsabilité des politiques occidentales dans l’état actuel de chaos mondial.
Car une telle horreur, si elle reste exceptionnelle en Europe, est bien le pain quotidien des pays du Sud transformés en réserve indienne du fait d'une politique inepte dont la libre circulation est la symbolique d'un terrorisme mental nourrissant les horreurs qui s'étalent sous nos yeux.
Un immeuble planétaire
C'est que le monde est devenu bien mieux qu’un village, un immeuble planétaire. Il est certes constellé de tribus postmodernes, mais elles sont désormais privées d'espaces larges, étant confinées dans un espace réduit qui exaspère leurs velléités libertaires en limitant leurs élans de liberté.
Comparable à un immeuble, même s'il est planétaire, le monde ne diffère plus du bâtiment connu. Oublions sa taille qui ne modifie en rien à l'essentiel, la saine gestion de l'immeuble composé d'étages, d'appartements, de sous-sols, de parking, de combles et de caves. Une telle parabole de l'immeuble planétaire impose que la vision des choses doive changer, s'élargir au fur et à mesure du rétrécissement du monde.
Or, à jouer comme on n’arrête de le faire à attiser les feux dans ce monde livré aux démons des idéologies sanglantes, tout autant religieuses que profanes, Dieu et Mammon, on ne peut que voir l’incendie se propager partout dans l'immeuble, y compris chez soi.
Le monde ancien où l’Occident dictait impunément sa loi n’existe plus ; ce qui impose d’arrêter les vaines politiques de gribouille toujours menées au nom de concepts périmés. Nous en avons eu une illustration avec le dernier sommet à Malte de l’Europe avec l’Afrique où l'on persiste et signe à ignorer le vrai problème de la crise migratoire qui n’est pas l’immigration clandestine, mais la frontière et le visa qui créent le clandestin.
La société civile des pays d’Afrique a dénoncé ce sommet dont elle a été d’ailleurs mise à l’écart, confirmant que la coopération entre le Nord et le Sud ne peut plus et ne doit aucunement rester « eurocentrée », juste préoccupée par les expulsions et la contribution des pays du Sud au combat de la migration dite irrégulière.
Ouvrir les frontières sous visa biométrique de circulation
Au lieu d’envisager l'inéluctable ouverture des frontières avec l’instauration d’un régime de liberté de mouvement sous visa biométrique de circulation, l’Europe dilapide des sommes faramineuses à bétonner des frontières qui demeureront poreuses.
On le voit bien, l’entêtement sécuritaire européen est incapable de protéger les pays d’Europe et ne fait qu’augmenter les menaces, renforçant les aventuriers dans leur croisade de haine, trouvant dans l’arrogance de l’Europe et son insensibilité à la misère du monde des arguments supplémentaires pour attirer encore plus de munitions humaines.
Pourtant, de toute l’histoire de l’humanité, jamais les migrations humaines n’ont été une menace pour la paix, ayant au contraire toujours contribué à soutenir la croissance et la prospérité du Nord, et ce même au détriment de celles des pays d’origine.
Il est temps que l’Union Européenne revoie sa dogmatique migratoire à l’occasion de l’élaboration de la Nouvelle Politique de Voisinage afin d'arrêter d’endeuiller le monde par son obsolète conception des migrations, porteuse de désastres au lieu d'agir pour un monde d’humanité : une mondianité.
Le moment est venu de décréter une mobilisation générale pour cette mondianité ! Que l'on stoppe donc les politiques de ségrégation que symbolise la fermeture des frontières. Elles ne mettent nullement en sécurité, mais aggravent les divisions et augmentent les haines, alimentant les terrorismes que n'arrête nulle frontière.
Pour une pensée globale du monde
Dans son dernier livre paru en septembre dernier, Edgar Morin note que la définition de l'humain est trinitaire : elle comporte à la fois l'individu, la société humaine et l'espèce biologique.
Cette multiplicité unitaire ou unité multiple qui fait sa richesse est paradoxalement ignorée à force d'être dramatiquement disjointe. Dans l'éducation, par exemple, nulle discipline n'enseigne la complexité humaine alors que, plus que jamais, il est urgent de penser l'humain dans sa globalité.
La passionnante vision globale de Morin, prolongement de sa pensée complexe, considère l'humain dans sa globalité sous l'angle de l'univers physique, puis celui de l'évolution biologique et dans l'histoire, la mondialisation et l'avenir de l'humanité. Elle commande de répudier la binarité de la pensée actuelle, pensée qui n'apprend qu'à réduire tout à l'un, la fameuse reductio ad unum d'Auguste Comte, pensant « ou bien » quand il importe et qu'il est parfaitement possible de penser « et ». C'est en quelque sorte le « je est un autre » rimbaldien devenant « je et un autre ».
Critiquant le modèle obsolète de l'économie mondialisée, Morin affirme à juste titre que l'épuisement des ressources de la planète commande de ne plus se concentrer sur la question classique de la croissance opposée à la décroissance parce qu'on ne peut disjoindre les deux, une croissance ne pouvant être scindée d'une décroissance en cycles alternés ou simultanés. C'est d'une synthèse des deux que la bonne pratique politique et économique doit relever. On se doit toujours de considérer le tout et la partie, ne pas écarter l'incertitude, évitant ainsi une rationalité stérile, le dogmatisme ou dogmatisation d'une vérité unique se voulant totale.
Pour Morin comme pour le monde déboussolé, il est plus que temps de sortir de cet âge de fer planétaire, préhistoire de l'esprit humain. L'histoire ne commencera que lorsqu'on prendra compte de ce qui fait le monde, cette évidence humanitaire qu'est le fondement de l'univers humain, pour en faire son monde, une mondianité.