Le dilemme d'Ennahdha
La base et les membres les plus radicaux du parti Ennahdha continuent de résister aux exhortations des plus éclairés d'entre eux appelant à une realpolitik salutaire pour le parti d'abord, mais aussi et surtout pour la partie.
La difficulté est surtout idéologique, car il n'est jamais facile de demander à une organisation de rompre avec ce qui constituait il y a peu son essence même.
Toutefois, il existe bien une loi sociologique qui stipule le contraire, allant jusqu'au viol des principes fondateurs pour la pérennité de l'organisation. Mais cela n'est vrai que quand il y va justement de la survivance de l'organisation en cause.
Certes, les plus radicaux d'Ennahdha ne nient pas les retombées négatives quant à leur existence même sur la scène politique tunisienne, l'exemple égyptien étant là pour le leur rappeler. Néanmoins, ils osent l'exorciser par une logique d'escalade toute belliqueuse, allant jusqu'à envisager le pire pour le pays, et ce en se fondant sur l'exemple libyen tout proche.
Aussi, la partie est rude pour les réalistes, nécessitant que la sagesse triomphe face au discours diviseur de haine et va-t-en-guerre du candidat-président qui rencontre un certain écho auprès d'une bonne partie d'Ennahdha basique.
Que dit la Loi religieuse en islam ?
Pour cela, un discours rappelant les valeurs éthiques de l'islam ne serait pas de trop. Aussi, reprenant les arguments présentés récemment par un religieux respectable du pays, cheikh Farid Béji, voici un rappel théologique à l'intention des plus radicaux d'Ennahdha pour leur faire comprendre que c'est leu foi bien comprise qui leur commande, non seulement de ne pas voter pour M. Marzouki, mais aussi d'agir pour faire élire son rival, M. Caid Essebsi.
Il s'agit en quelque sorte des élections du point de vue théologique expliquées aux nuls d'Ennahdha qui oublient ou font semblant d'oublier qu'en islam, le péché fait partie de la vie du croyant qui est appelé à moins l'éviter, car il peut être structurel, qu'à faire avec, s'y accommoder le cas échéant quand il ne peut s'y soustraire.
Ainsi, à part le péché d'association d'une autre déité à Dieu, seul vrai péché en islam, tous les autres péchés sont secondaires, relevant d'une sorte de pollution pour laquelle le pardon est toujours possible. Différentes techniques existent ainsi pour s’en purifier, comme la « Kaffara » ou rachat.
Par ailleurs, les péchés ne sont pas tous de même nature et il importe toujours d'éviter d'abord le plus grave et, en cas de nécessité, d'en choisir le moindre s'il est de nature à repousser le plus grave. Ce sont ainsi résumées ces trois règles capitales en islam : اجتناب أعظم المفاسد باختيار أخفها — إزالة الضرر الأشد بالأخف
— الخيار يقع دوما بين أهون الضررين
La Loi religieuse appliquée au second tour des élections
Il est clair que nous avons deux candidats qui ne présentent pas le même niveau de péril pour l'intérêt du pays qui est ici la référence absolue, toute atteinte à son intégrité étant péché mortel.
D'un côté, M. Caid Essebsi a été chef de gouvernement après la révolution et a veillé à la réussite de la première élection libre dans le pays qui a amené la troïka.
Il a certes un passé sous l'ancien régime, mais c'était bien plus au service de la patrie que pour les caprices de la dictature qu'il lui est arrivé de contester.
Enfin, à supposer qu'il ait commis des erreurs en un temps où tout le monde en commettait, des plus vénielles aux plus graves, il a aujourd'hui la possibilité de les rectifier grâce à l'expérience accumulée et la sagesse que procure l'âge, surtout que les valeurs qu'affichent sa campagne sont ceux du vivre-ensemble paisible dont a besoin la Tunisie pour la réussite du modèle qu'elle prétend être.
En face, on a un ancien militant qui s'est investi contre la dictature, mais qui n'a rien fait pour les valeurs dont il se réclamait durant son séjour à Carthage.
Au sein de la troïka, il a accepté que la condition des valeurs humanistes se détériore encore plus, acceptant qu'on use du pouvoir et qu'on en abuse selon l'arsenal juridique de la dictature qu'il n'a pas osé réformer.
Même les acquis en droits et libertés de la nouvelle constitution lui ont été imposés par la société civile.
Et aujourd'hui, tout en se réclamant de valeurs humanistes, il les viole, sa campagne étant axée sur l'exclusion d'autrui, allant jusqu'à laisser entrevoir une division du pays écartelé entre le sud et le nord.
Une telle perspective, s'ajoutant au risque d'instabilité gouvernementale s'il demeure à Carthage à un moment où le pays a le plus besoin de stabilité, fait de lui théologiquement le péché capital à éviter pour un péché moindre au nom de l'intérêt de la patrie.
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