Terrorisme : quelle coopération efficace entre la France et la Tunisie ?
La France et la Tunisie entendent renforcer leur coopération en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme. C'est l'ordre du jour de la visite en Tunisie du ministre français de l'Intérieur Bernard Cazeneuve.
Cette thématique s'ajoute aux classiques questions de l’immigration clandestine et des filières qui se retrouvent derrière, de plus en plus nombreuses en Libye, y profitant du chaos actuel. Et la France entend coordonner avec la Tunisie des actions sécuritaires afin de contrer ces filières.
Lutter contre le départ des jihadistes
La France envisage surtout avec la Tunisie des initiatives de nature à lutter contre le départ des ressortissants tunisiens et français combattre en Syrie et en Irak et s'y radicaliser pour revenir terroriser leurs pays d'origine.
C'est que la question terroriste concerne aussi bien la France que la Tunisie et l'intérêt bien compris des deux pays est de ne pas lésiner sur les moyens pour éradiquer ce phénomène qui va en s'amplifiant.
On rapporte que près de mille citoyens français et quelque trois mille Tunisiens pour le moins sont dans les rangs des terroristes de Daech, ce soi-disant État islamique.
Ce que vient proposer M. Cazeneuve à la Tunisie, c'est une politique inefficace, car purement sécuritaire. Ainsi a-t-il spécifié que sur l'agenda de la coopération bilatérale figure désormais le thème de «déradicalisation», c'est-à-dire à l'égard des jeunes nationaux des deux pays, une «prévention des départs» moyennant «l'approfondissement de la coopération entres services de renseignements et de police».
Une politique sécuritaire inefficace
Un tel menu des pourparlers franco-tunisiens montre à quel point on continue de part et d'autre à se préoccuper de la face apparente de l'iceberg, non de celle immergée. Or, celle-ci, bien plus importante, est celle des réelles causes de l'état qu'on veut éradiquer sans y mettre les moyens utiles.
De fait, le terrorisme de Daech et d'ailleurs se nourrit d'une misère économique et d'une exclusion culturelle qui marquent aujourd'hui notre Méditerranée, en faisant selon les termes mêmes de la maire de Lampedusa, un «holocauste» moderne. Sans parler du «nazisme mental» rampant en Europe qui fait de l'islam le bouc émissaire de ses difficultés économiques et sa crise morale.
Ce n'est donc pas un énième plan sécuritaire qui sera de nature à contrer le terrorisme, qui n'est souvent, dans la tête des terroristes, qu'une action justifiée par un terrorisme opposé.
En effet, il nous faut comprendre que nombre des jeunes attirés par le jihad le font en solidarité avec les Palestiniens qui n'ont toujours pas le droit à un État souverain bien que la légalité internationale le leur reconnaît ou parce que les jeunes des pays du Sud ne peuvent pas circuler librement dans le monde bien que ce soit un droit fondamental de l'Homme.
Lutter efficacement contre le terrorisme
Il ne nous faut plus être aveugles; il n' y a de solution pour le terrorisme que dans une Méditerranée aux frontières ouvertes, un espace de démocratie où les ressortissants des États démocratiques ou en passe de l'être voyageront librement sous visa biométrique de circulation respectueux des réquisits sécuritaires.
Que l'on ne s'illusionne pas ! On ne peut empêcher vraiment les gens de leur liberté d'aller combattre si tels sont leurs désirs et convictions; ils y réussiront malgré tous les écueils.
Il n'y a aura plus de candidats au jihad en Syrie, en Irak et ailleurs que lorsqu'on aura offert aux jeunes des perspectives de vivre librement et paisiblement leur vie dans le cadre de la solidarité et la coopération. Cela nécessite d'agir pour une aire de civilisation entre les pays d'Occident et ceux démocratiques d'Orient — comme c'est le cas de la Tunisie — à la suite de la création de l'espace démocratique méditerranéen précité.
Il nous faut cesser notre incantation stérile et faire enfin face à notre réalité dramatique ! Le monde ayant changé, on doit changer notre façon de le gérer. Une révolution dans nos mentalités est aujourd'hui indispensable, et la Tunisie se doit de le rappeler à ses partenaires qui ne sauront se réveiller de leur léthargie coupable que grâce à un tel rappel de notre part.
Ce serait agir en révolutionnaires; la Tunisie n'est-elle pas le berceau de la première démocratie postmoderne ?
Publié sur Leaders