Les demi-vérités du Mufti de la République sur la fête du sacrifice
Dans un avis rendu vendredi 12 septembre, le Mufti de la République a pris position sans en prendre vraiment en se limitant à un démenti concernant la rumeur de l'adoption d'un avis juridique (fatwa) en matière de boycott du sacrifice cette année pour cause d'excessive hausse du prix du mouton et de la grave crise économique que connaît le pays et des risques de dégradation supplémentaire que ferait à l'économie du pays des sacrifices en masse du cheptel ovin cette année.
Précisant qu'en la matière aucune décision n'a été prise, le mufti n'a toutefois pas manqué de démontrer indirectement qu'il était contre une telle fatwa de plus en plus sollicitée par de larges pans de la société.
Le Mufti n'a pas dit mot sur un tel état ni sur la pauvreté de plus en plus grande des foyers tunisiens faisant un pur luxe de l'acquisition d'un mouton dont le prix tourne au bas mot autour du million.
Il s'est limité à rappeler que la fête du sacrifice est une pratique constante du prophète par laquelle il honore l'exemple d'Abraham, et qu'elle demeure exigible de tout musulman ayant des moyens.
Ce faisant, le mufti ne précise pas que l'exemple d'Abraham qu'honore notre prophète est celui du sacrifice d'Isaac et non d'Ismaël; c'est l'avis d'une majorité des jurisconsultes musulmans, dont Tabrai, Qortobi, Zamakhchari ou Razi; ainsi que de nombre de Compagnons du prophète comme le calife Omar, le cousin du prophète Ali Ibn Abi Talib, son oncle Al Abbes et son fils Abdallah, ou encore l'illustre Abdallah Ibn Messaoud.
De plus, le Mufti ne dit rien sur le fait que si le prophète a effectivement et toujours particulièrement veillé à s'acquitter du sacrifice, ce fut plutôt en tant que rite intimement lié au pèlerinage et non en tant que fête indépendante. Ainsi, on appelle bien le jour du sacrifice Jour du grand pèlerinage.
Enfin, et c'est ce qui est de loin le plus important, notre Mufti — alors que c'est son rôle premier — ne fait pas l'effort auquel l'invite notre religion invitant expressément à délaisser l'accessoire en faveur du principal en matière de prescriptions, soit en l'occurrence, en évitant tout sacrifice de mouton pour l'intérêt de l'économie du pays et la sauvegarde du budget des foyers pauvres.
En temps de crise extrême comme celle que vit la Tunisie, appeler au sacrifice d'un mouton, au prix prohibitif qui plus est, c'est non seulement violer l'esprit de notre religion, mais aussi ne pas respecter sa lettre. Celle-ci est explicite, le musulman ne devant pas se faire du tort en honorant les préceptes de sa foi qui demeure indulgente, n'ayant de raison d'être que l'intérêt du fidèle.
Voilà donc une occasion en or ratée par notre mufti pour donner une meilleure image de notre religion et ce en osant l'interpréter ainsi qu'elle le commande, soit intelligemment par la mise en oeuvre de la raison humaine à laquelle l'appel est récurrent en islam.
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