Quand on dit que l’État de droit doit être érigé au plu vite en Tunisie ! Voici le dernier témoignage de Human Rights Watch allant en ce sens à l'occasion de son analyse de l’actuel projet de loi sur le terrorisme, pointant de sérieuses imperfections. Estimant qu'elle ne rompt pas assez avec l’esprit répressif de la loi de l’ancien régime, celle de 2003 qui a servi à la dictature pour étouffer toute velléité liberté d'expression, l'organisation appelle à de nécessaires modifications.
C'est qu'elle considère, dans un rapport en anglais rendu public hier, que le projet de loi est incompatible avec les normes internationales des droits humains, notamment en matière des droits au procès équitable, au respect de la vie privée et de la liberté d'expression.
Certes, HRW reconnaît les avancées. Le rapport signale les améliorations portant sur l’assurance de réparations diverses aux victimes, la création d’une commission chargée d'élaborer une stratégie de lutte contre le terrorisme, notamment à travers l'éducation, et l’interdiction d'extrader toute personne accusée de terrorisme en présence de risques pour son intégrité.
Toutefois, il ne s’agit ici que de mesures secondaires ne touchent pas au fond de la loi qui reste mauvaise du point de vue de l’esprit démocratique. Ainsi en est-il de la définition de l'activité terroriste qui demeure vague et ambiguë, étant ainsi susceptible d'instrumentalisation pour limiter les libertés publiques et privées. Surtout qu'aucune garantie n’existe pour la protection du droit à la vie privée et qu'on ne criminalise pas sa surveillance qui était monnaie courante sous la dictature et tend même à se maintenir.
Parmi les recommandations de révision, l’ONG pointe les dispositions du projet relatives à la poursuite de la dissidence politique assimilée au terrorisme, aux pouvoirs exorbitants laissés aux juges dans le cadre de procédures dérogatoires ne permettant pas le libre exercice du nécessaire droit de la défense, à l’absence de contrôle judiciaire efficace de l'autorité de police en matière de vie privée.
Ce qui fait surtout problème, ce sont les « termes trop vagues » du projet de loi et « l’absence de garanties », l'absence de précision étant de nature à « causer des violations terribles et engendrer la haine et un cycle d'autres exactions », a estimé le directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord de Human Rights Watch.
Pour lui, ce qui semble échapper à nos députés et politiciens, c'est que la lutte contre le terrorisme n'autorise pas de « déroger aux droits fondamentaux » que la Constitution garantit désormais, mais qui restent encore lettre morte.
Ainsi, les dispositions scélérates de l’ancienne loi, même si elles ont subi un léger lifting, restent intactes dans la nouvelle, comme celles ayant trait à la fameuse notion de trouble à l'ordre public, autorisant la poursuite de la dissidence pacifique qui est l’essence même de la démocratie. Il y a aussi l’absence de mesures pour le droit du suspect à une défense sérieuse ou la criminalisation de l’abstention du défenseur de coopérer avec les autorités en livrant des informations relatives à l’activité terroriste supposée. Autant de motifs qui font du projet de loi une sorte de clone de l’ancienne.
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Publié sur Leaders