Terrorisme et politique ou la charrue devant les bœufs
Il est en nous une part d'ombre, cette part du diable soulignant l'animalité de l'humain, qui est étymologiquement de l'humus, tout en magnifiant notre humanité si on sait l'honorer assez. C'est en refusant cette part obscure en nous qu'on retombe en bestialité, étant donné que l'on n'est pur qu'en fonction de l'acceptation de notre impureté structurelle. C'est qu'on doit la reconnaître pour la maîtriser afin de faire en sorte de la réduire à sa plus simple expression. En effet, une chose est de savoir faire le mal et de s'abstenir de le faire, une autre est de le faire sans le savoir, sans réaliser que c'est le mal qu'on dénonce !
Or, ce mal est bien en nous; il ne sert à rien de le nier, cela ne fait qu'occulter notre incapacité ou l'absence de notre volonté à faire l'effort nécessaire pour le dompter. Et c'est de pareil mal refoulé en notre société qu'elle est malade aujourd'hui.
Tout le monde prétend vouloir la vertu en ce pays et croit même l'incarner; cependant, personne ne reconnaît sa part de vice. Pourtant, il n'est de vertu sans vice; c'est même celui-ci qui fait celle-là, car ce sont deux polarités indissociables. Il est temps de se rappeler ce que soutiennent depuis longtemps les sciences psychologiques sur la nécessité de ne jamais chercher à refouler en nous ce qui nous déplaît puisqu'il est toujours un retour inéluctable du refoulé; et il est toujours dévastateur en effets insoupçonnables.
La meilleure arme contre le terrorisme
En politique, aujourd'hui, on prétend vouloir éradiquer le terrorisme et c'est de bonne guerre; le hic est qu'on entend le faire en reprenant les vieilles recettes de la dictature; c'est là que le bât blesse. En effet, c'est notre dictature — la dictature l'aveugle qui a été déchue et celle supposée éclairée qui l'avait précédée — qui a enfanté le terrorisme que nous vivons, dont les racines sont bien dans l'ordre de la dictature, ordre à la fois matériel et moral, sous lequel ploie le pays depuis l'indépendance.
Si la dictature déchue l'a occulté grâce à ses méthodes autoritaires répressives, elle n'a fait que le radicaliser, en étendre les ramifications. Nos jeunes exclus de la vie, n'ayant même pas le droit de rêver leur vie, entrevoir un sort meilleur sont ainsi aujourd'hui l'objet de lavage de cerveau systématique de la part des professionnels de la haine et de la terreur.
Ceux-ci ne sont pas seulement des zélotes religieux; nombre parmi eux sont aussi des adeptes de l'ordre des cimetières. D'ailleurs, les terroristes se présentant agir au nom de la religion ne sont que de purs bandits doublés de faussaires, car notre religion est d'abord paisible. Elle peut même constituer la meilleure arme contre le terrorisme si on osait l'interpréter correctement, la sortir de la caricature qu'en donnent nos religieux. Supposés opposés à une conception radicale de la religion, ceux-ci ont ainsi un comportement radicant, de nature à faire pousser des racines intégristes, une sorte de lierre politique.
Aussi, la meilleure arme contre le terrorisme ne peut être qu'une batterie de lois justes, satisfaisant sinon tout le monde, du moins la majorité du peuple, et non des politiques qui ne représentent plus que leurs égoïsmes sacrés. Or, il n'est plus besoin de démontrer que nos lois sont pour la plupart injustes; certaines sont mêmes scélérates, telles celles qui pratiquent la discrimination au nom de la vertu. Qu'a-t-on fait pour les abolir? Absolument rien !
Pourtant, la constitution est remplie de nouvelles valeurs censées être concrétisées au plus vite. On prétend donc lutter contre le terrorisme avec des lois terroristes, ces lois de la dictature qui feront substituer au terrorisme une dictature nouvelle; et c'est une autre terreur qu'on aura, guère meilleure et même plus pernicieuse, car elle fera du mal qu'elle est censée combattre un cancer généralisé dans le corps social.
Veut-on des élections à l'égyptienne ?
Il est pour le moins regrettable de voir à quel point nos politiques, prétendant respecter formellement la constitution, agissent pour la violer au nom de leurs propres intérêts égoïstes. Ainsi, au lieu de débattre de la meilleure façon d'appliquer la constitution en ses dispositions qui comptent, mettre en œuvre ses droits et libertés, on pérore sur des élections formelles qui n'intéressent pas le peuple, mais juste ceux qui veulent le pouvoir.
Qu'on se le dise donc ! Prétendre combattre le terrorisme avec les lois de la dictature même rafistolées sommairement, c'est ramener au galop le régime déchu. C'est surtout mettre la charrue avant les bœufs; et c'est forcément aller à l'échec. Surtout si on continue à ne pas se soucier des intérêts du peuple comme on le fait.
Et qu'on se le dise aussi ! Le peuple ne s'intéresse pas aux élections nationales projetées; il ne s'intéressera à la politique que le jour où l'on organisera des élections locales; le jour où il aura à décider de son sort dans ses municipalités et ses gouvernorats où se vit la vraie démocratie, bien loin des palais de la République où se complaisent nos rois républicains. Ce jour-là, le peuple reviendra à la politique. Aussi, si on veut réellement le servir et le respecter du même coup, on doit impérativement décider de substituer aux élections nationales inutiles les seules élections qui seront nécessairement utiles, soit des municipales et des régionales.
N'a-t-on pas à ce point des politiciens assez responsables, honnêtes et démocrates au service de la patrie ? Où sont les vrais démocrates dans ce pays en mesure enfin de parler, dire le vrai! Ils savent bien ce qu'ils doivent faire et ils ne pourront pas dire demain s'être trompés ou avoir été trompés; ce qui revient au même ! Car c'est une rengaine bien connue dans la bouche de nos responsables irresponsables; la preuve tangible de leur irresponsabilité. Qu'ils méditent donc l'exemple égyptien et l'erreur stratégique des démocrates de Tamrrod qui ont servi le pouvoir sur un plateau aux ennemis de la démocratie ! Veut-on des élections à l'égyptienne ?