À la suite de son rapport Moyen-Orient/Afrique du Nord n° 148 daté du 28 novembre 2013 intitulé : « La Tunisie des frontières : jihad et contrebande », L’International Crisis Group vient de publier le 5 juin dernier un briefing titré : L’exception tunisienne : succès et limites du consensus, où il présente la voie de sortie qu’il propose de la crise que continue de vivre la Tunisie depuis la paralysie d’une grande partie de l’année 2013. Il y souligne les mesures à adopter afin de sauvegarder les chances d’unconsensus pouvant être durable bien que demeurant fragile.
Rappelant l’issue inattendue de janvier, après les moments forts de la tension estivale, d’une option judicieuse pour un gouvernement intérimaire de technocrates, on estime que de tels acquis sont en train d’être dilapidés.
Aussi pense-t-on à la nécessité pour les partis de s’assurer, nonobstant l’issue des élections projetées, de continuer à privilégier le consensus nationalcomme base dela politique dans le pays au-delà des clivages partisans. On estime, en effet, que l’environnement régional caractérisé par la polarisation et la violence en Egypte et en Libye impose un tel coonsesnus pour préserver les chances de la transition tunisienne.
Toutefois, on n’estime pas nécessairement certaine « une coalition équilibrée entre islamistes et sécularistes » ainsi que le pense Michaël Ayari, analyste principal pour la Tunisie. « Les partis, assure-t-il, devraient envisager les scénarios les plus inattendus, s’entendre sur des règles minimales de gouvernance, limiter le pouvoir des gagnants et garantir la sérénité des perdant ».
De son côté, Issandr El Amrani, directeur du projet Afrique du Nord affirme que « les principales forces politiques devraient conserver l’esprit de compromis de la dernière sortie de crise. Un tel compromis doit aller au-delà des plans de partage de pouvoirs entre les principaux camps politiques. Tous les partis doivent montrer qu’ils sont engagés dans la poursuite de l’intérêt général, même en pleine compétition politique ».
En somme, les analystes du Crisis Group rejoignent mon idée de démocratie compétensuelle où compétences indépendates et consensus priment toutes autres considérations.
Voici, au demeurant, les principales recommandations dudit briefing :
• La Tunisie a surmonté la précédente crise grâce, notamment, à la forte implication de la société civile, à l’engagement international et à la crainte que le pays pouvait sombrer dans la polarisation extrême à l’image de l’Egypte. Cependant, la compétition électorale et les différends non résolus, particulièrement quant à la neutralité de l’administration publique, pourraient ressusciter la crise.
• Le consensus politique actuel repose sur un accord de partage de pouvoir entre les deux principaux partis politiques, l’islamiste An-Nahda et son adversaire séculariste Nida Tounes. Or, les prochaines élections pourraient produire la majorité suffisante pour que l’un exclue l’autre, et le perdant pourrait être tenté de remettre en cause la validité des scrutins. Les partis devraient donc s’entendre au préalable sur un minimum de garanties évitant une hégémonie absolue de l’un ou l’autre camp et sur les priorités du prochain gouvernement, notamment sa politique économique et sécuritaire.
• Le gouvernement intérimaire, avec le soutien de ses partenaires internationaux, devrait s’assurer que la commission électorale (ISIE2 – Instance supérieure indépendante pour les élections) dispose des moyens logistiques et financiers nécessaires afin d’être perçue comme neutre, de lancer des campagnes de mobilisation civique et d’organiser les scrutins dans les meilleures conditions.
Le briefing :
http://www.crisisgroup.org/~/media/Files/Middle%20East%20North%20Africa/North%20Africa/Tunisia/b037-l-exception-tunisienne-succes-et-limites-du-consensus.pdf
Pour rappel, le dernier rapport du groupe :
Publié sur Leaders