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lundi 10 mars 2014

Mare nostrum 3

Manifeste pour une libre Méditerranée





La Méditerranée est la mer commune de tous ses riverains; comme dans un immeuble, on ne saurait couper ses rives, ne pas vivre ensemble. Or, un holocauste — terme que la maire de Lampedusa n'a pas hésité à utiliser — y est organisé; sa manifestation est la politique migratoire européenne, incarnée par le honteux, coûteux et inefficace dispositif Frontex.
Non au partenariat pour l'immobilité !
Cette honte ne rejaillirait que sur l'Europe si sa mise en œuvre ne dépendait que d'elle; or, elle exige aussi notre soutien indéfectible. C'est ce que les autorités européennes, méconnaissant leurs propres valeurs, autistes aux exigences des droits de l'Homme en notre mer commune, viennent d'obtenir de nos autorités. Celles-ci ont violé l'esprit la Révolution tunisienne en signant dernièrement à Bruxelles en catimini un supposé partenariat pour la mobilité et qui n'est que celui de l'immobilité. Il est même une totale ignominie, car foulant les valeurs de l'homme aux pieds, le rabaissant dessous la marchandise.
Cet accord, qui est dénoncé par toutes les associations démocratiques des Tunisiens expatriés, est certes présenté comme augmentant les facilités d'octroi des visas, mais il n'est qu'une fuite en avant dans la politique sécuritaire de la gestion migratoire en Méditerranée. Et celle-ci est aujourd'hui criminogène, productrice des plus effroyables drames; aussi est-elle appelée à changer. Pour ce faire, notre gouvernement doit arrêter toute compromission avec elle. Il ne doit plus être le complice des violations caractérisées des droits de l'Homme sur lesquels il ferme les yeux, agissant comme nombre de consciences coupables durant la Deuxième Guerre mondiale, laissant l'innommable se faire grâce à leur silencieuse indifférence. À la faveur de la nôtre aujourd'hui, c'est un nazisme mental qui rampe en Occident alimentant le terrorisme hier encore inconnu sur notre paisible terre.
On ne peut plus continuer d'ignorer à ce qui se passe en Méditerranée. Notre obligation est d'agir pour une libre circulation dans un cadre sécurisé. Or, il existe, ayant déjà proposé une formule totalement respectueuse dans le même temps des réquisits sécuritaires et des droits de l'Homme. En effet, je travaille depuis longtemps sur un espace de démocratie méditerranéenne impliquant tous les États démocratiques ou en voie de l'être, et devant déboucher sur une ère de communion véritablement sincère en des valeurs de civilisation. Cet espace doit être celui d'une libre Méditerranée avec l'octroi sans tarder aux ressortissants des pays démocratiques de la liberté de mouvement sous visa biométrique de circulation délivré pour un an ou trois ans avec un nombre illimité d'entrées et de sorties.
Oui à un partenariat pour la liberté !
Ce nouveau dispositif sera plus efficace que le coûteux et criminel système répressif qu'on développe en Méditerranée, cherchant en vain à bétonner un mur sur les eaux quand les murs sur terre ferme tombent partout. S'il est un mur qui dure, il est dans les têtes européennes, et il importe qu'on n'en soit pas les maçons; car sans notre compromission, ce mur finira par tomber. Et il ne serait que temps grâce à un véritable partenariat qui ne saurait être que pour la liberté de circulation.
Aujourd'hui, on ne peut plus traiter les humains moins bien que les marchandises. Or, il est acquis que les marchandises doivent désormais circuler sans entraves entre les deux rives de la Méditerranée. Il doit en aller de même pour les êtres humains. C'est une question de haute responsabilité politique tout autant que de morale et de dignité. Avis à nos responsables s'ils ne veulent pas être irresponsables aux yeux de leurs compatriotes; surtout qu'ils ne peuvent plus se cacher derrière la feuille de vigne du réalisme politique devenu un réductionnisme idéologique criminel.
Osons donc innover, rien de bon ne sortira de catégories de pensée saturées d'un monde fini. La clandestinité, tout autant que le terrorisme d'ailleurs, est aujourd'hui entretenue par la fermeture des frontières; cela est trop évident, sauf pour ceux qui ne veulent rien voir.
Outre sa maturité commandant plus d'égards, notre communauté en Europe est réduite et sans trop de problèmes (et je l'affirme, la connaissant intimement); aussi impose-t-elle sans plus tarder qu'on essaye de concrétiser ce qui est inéluctable dans les rapports internationaux : un traitement enfin véritablement égalitaire. Et la première manifestation de l'égalité en souveraineté est la libre circulation; un ressortissant libre de circuler étant un citoyen digne. De plus, il est créateur de ces richesses qui sont la seule valeur de nombre de nos partenaires obnubilés par l'état du marché. Or, c'est bien dans un marché ouvert aux hommes tout autant qu'aux marchandises que les richesses augmentent de la façon la plus exponentielle.
Il est impératif par conséquent qu'on dénonce, au niveau de l'Assemblée nationale, l'insensé accord d'immobilité que le gouvernement vient de signer en violation même des valeurs qu'il est censé honorer. Pour se rattraper, être en phase des exigences de la Révolution, celui-ci doit agir sans plus tarder pour une libre Méditerranée. Il trouvera bien plus d'écho qu'il ne croit en Europe, ne serait-ce qu'en Italie et en France pour l'avoir vérifié personnellement dans le cadre d'une diplomatie active bien qu'informelle. Car, dans notre Tunisie Nouvelle République, tout patriote est responsable de son sort.    
Publié sur Leaders