Mare nostrum, un espace de démocratie méditerranéenne
C'est en Tunisie que le chef du gouvernement italien Matteo Renzi
vient déclamer ses convictions en une Méditerranée redevenue centrale, deux
rives qui s'ignorent après un temps où les intérêts les confondaient.
C'est un pareil passé, remontant même plus loin, au temps où la
mer commune, cette mare nostrum, unifiait et non divisait qu'entend faire
revivre le jeune chef du gouvernement italien.
Et c'est une occasion en or pour notre propre gouvernement de
plaider la cause d'un espace méditerranéen de démocratie, étant donné que
l'Italie accédera à la présidence
de l'Union européenne au second semestre de cette année.
Ce sera une "gigantesque opportunité" pour faire en
sorte que l'Europe cesse de ne plus donner d'espoir, comme le dit si justement M.
Renzi lui-même, déplorant que le débat européen soit désormais "réduit à
des virgules et des pourcentages".
Le nouveau chef de gouvernement italien a l'ambition d'apporter
une "contribution fondamentale" à l'Europe; et si comme il le dit,
l'Europe n'est rien sans l'Italie, la Méditerranée n'est rien sans la Tunisie.
Et l'Italie le sait puisqu'elle préfère Tunis à Bruxelles pour la première
visite officielle de gouvernement.
Aussi nos dirigeants doivent être à la hauteur de leurs
responsabilités, saisissant cette
occasion pour appuyer les efforts de rénovation italiens en lançant
officiellement cette initiative pour la création d'un espace inévitable de
démocratie méditerranéenne. Avec une telle aire entre les démocraties du nord
et du sud de la Méditerranée, c'est d'une clef de voûte qu'on disposera en
cette mer qui nous désunit au lieu de nous unir pour une communion réelle en
des émotions démocratiques, sans calculs ni arrière-pensées.
Les instances européennes observent avec attention les initiatives
du nouveau venu, souhaitant voir se poursuivre le processus d'intégration
européenne. À nous de leur dire, du piédestal de notre nouvelle modernité
démocratique et de notre postmodernité axiologique, que pareil processus ne
saurait plus se réduire aux aspects économiques, monétaires et politiques,
comme le pense et le dit d'ailleurs notre hôte italien. Il doit s'y ajouter une
dimension de civilisation qui ne saurait venir que du Sud afin de renouer avec une
démocratie vidée de tout sens en une Méditerranée devenant un socle pour une
aire de paix et de civilisation qu'on commencera par faire fleurir en cette mare
nostrumn.
Le président du Conseil européen a dit souhaiter la réussite des
nouvelles réformes en Italie pour une croissance durable; aidons donc le
nouveau chef de gouvernement italien par notre initiative à prouver qu'une
telle réforme est inimaginable sans un climat de paix qui ne peut être dissocié
d'un pareil climat en Méditerranée.
Or, cette paix concerne autant les Européens que les Tunisiens, et
elle ne se ferait jamais dans la situation actuelle où l'on vit chaque jour en notre
mer commune les drames d’un "holocauste moderne", selon l'expression
terrible d'une maire d'Italie justement, celle de Lampedusa.
Il n’y aura jamais de mare nostrum tant que pareils stigmates
balafrent notre horizon méditerranéen. Comme le Christ, il nous faut avoir la
foi en la paix en notre Méditerranée; alors, on y arrivera demain à marcher sur
ses eaux au lieu de continuer à mourir en ses fonds.
Publié sur Leaders