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jeudi 25 août 2016

Jeune Tunisie 5

Tunisie : implications d'une naissance au forceps à la démocratie 



Une démocratie est en train de naître au forceps en Tunisie contre vents et marées. Son sort intéresse pourtant peu l'Occident qui ne s'y implique pas assez, juste à la lisière de ses propres intérêts à court terme. 
La Tunisie continue cahin-caha son chemin en démocratie dans un environnement arabe fort hostile et plein de périls du fait de l'indifférence occidentale qui ne fait guère attention qu'à préserver ses intérêts immédiats sans se soucier du long terme commandant sinon d'accélérer cette évolution, du moins de la consolider.
En effet, les États-Unis et l'Union européenne se limitent à veiller à ce que leurs réquisits et intérêts néolibéraux, imposés notamment à travers le FMI, soient respectés.
Ce qui relève de la courte vue politique, susceptible tôt ou tard de faire aller dans le mur une expérience tunisienne demeurant pourtant prometteuse malgré déboires et échecs.
Démocratie en pointillé
En sollicitant, ce vendredi 26 août, la confiance au parlement pour sa nouvelle équipe se voulant d'Union Nationale, M. Chahed, nouveau président du Conseil choisi par le président de la République, entend administrer la preuve que la Tunisie joue à fond la règle du jeu démocratique.
C'est ce même souci qui avait amené le chef u gouvernement sortant, M. Essid, à solliciter — pour la forme — un vote de confiance à l'Assemblée des Représentants du Peuple, refusant de présenter sa démission comme le souhaitait l'hôte de Carthage.
Selon les accords politiques entre les deux principaux partenaires au pouvoir, M. Essid devait rester en place jusqu'aux élections municipales. Mais le président de la République a surpris tout le monde en appelant à un gouvernement d'union nationale, jugeant dommageable au pays l'inertie dans laquelle s'est retrouvé le gouvernement Essid.
C'était pourtant prévisible du fait même du mode même de gouvernance choisi par les partenaires alliés au gouvernement, axé sur le consensus à tout prix avec le parti islamiste, désormais première force en nombre de députés. Ce qui amena le président Essebsi à remiser nombre de ses promesses électorales alors qu'il se présentait en continuateur de l'oeuvre de modernisation du pays en panne depuis la montée au pouvoir du pari islamiste Ennahdha.
Ce dernier ne fut d'ailleurs pas mis au parfum de l'initiative présidentielle, tout comme le président du Conseil désavoué ; ce qui dénote bien, dans la visée présidentielle, de sa volonté de sortir le pays, par la force de la surprise, de sa situation d'enlisement politique.
Car l'une des raisons de l'initiative de gouvernement d'union nationale, selon les observateurs, fut le quasi-alignement forcé de M. Essid sur les orientations stratégiques du parti islamiste. Elles sont responsables, notamment, du maintien en l'état d'une législation du pays devenue obsolète, et même scélérate, étant une garantie à ne pas négliger pour un futur retour au pouvoir d'Ennahdha. Faut-il noter ici que les islamistes abusent de l'argument fallacieux du conservatisme social pour empêcher toute modernisation législative en débarrassant la Tunisie de ses lois liberticides de la dictature, dont certaines remontent même au temps du protectorat. 
Droits et libertés basiques niés
Or, il est de plus en plus avéré que le pays ne peut plus accepter l'inertie de sa classe dirigeante, au niveau des droits et des libertés régissant la vie privée pour le moins ; or, c'est surtout la jeunesse qui en est la principale victime. Ce qui explique le nombre élevé de jeunes tunisiens ralliant les terroristes, leur condition minable dans le pays en faisant des proies faciles pour l'endoctrinement idéologique extrémiste.
Pourtant tout milite en Tunisie en faveur de l'abrogation rapide des textes de lois d'un autre temps ; outre la Constitution et les engagements internationaux de la Tunisie, sa religion même le permet et le commande aussi, ainsi que cela a été démontré.
Car on ne peut plus se permettre, pour que les autorités gardent leur emprise sur la société, de continuer à brimer les innocents, détruisant la vie de jeunes et même de très jeunes pour un malheureux joint ou un verre d'alcool. Sans parler des brimades nombreuses subies, qui pour une jupe ou un short, qui pour un innocent baiser ou un rapport sexuel entre adultes consentants, et ce même s'ils ne sont pas de même sexe.
C'est que le sexe est toujours hors-la-loi en Tunisie. Et cela accompagne un détricotage méticuleux et continu, mais à bas bruit, de l'essentiel de l'oeuvre de Bourguiba en matière de sécularisation du pays.
Ainsi, on est loin du renforcement des acquis en matière des droits de la femme puisqu'on n'ose toujours pas ce qui est devenu fatal : l'instauration de l'égalité successorale entre les sexes. On a même entendu certains, comme le mufti de la République, s'y opposer au nom de la religion. Ce qui ouvre la voie, selon ce même raisonnement, à ce que la Tunisie applique un jour la Loi religieuse de l'ablation de la main pour le voleur.
Démocratie d'élevage et/ou sauvage
Si le nouveau gouvernement n'est pas tout à fait d'union nationale, il n'est pas moins d'une composition plus large que l'ancienne. Surtout, il réussit la gageure de retirer de l'influence du parti islamiste les ministères de souveraineté.
Il est vrai, Ennahdha continue à contrôler nombre de départements techniques, notamment celui des Affaires religieuses, mais le ministère de la Justice n'est plus tout à fait sous sa houlette. Ce qui devrait faciliter la nécessaire et urgente réforme législative avec, outre l'égalité successorale, l'abolition — ou pour le moins une suspension d'application — des textes les plus rétrogrades du Code pénal, notamment ceux qui s'immiscent dans la vie privée des gens, leur interdisant même ce qu'ils peuvent boire, comme l'alcool en violation de l'islam qui ne condamne que l'ivresse.  
Une telle réforme législative doit être mise en oeuvre au plus vite, son impact étant capital sur les mentalités qu'on s'évertue à garder sclérosées. Ce qui crée le frein pour le reste des urgences, comme les initiatives à prendre forcément dans le domaine économique et social, mais dont les effets ne peuvent être ni immédiats ni utiles dans un pays peinant encore à accepter le différent, ce qui est pourtant à la base du vivre-ensemble démocratique.
C'est ce que les partenaires occidentaux doivent rappeler aux autorités tunisiennes, l'État de droit en Tunisie ne pouvant se limiter à être la démocratie d'élevage connue dans les démocraties traditionnelles qui possèdent pour cela un arsenal de lois et de réflexes de vie commune faisant encore défaut en Tunisie.
Aussi, une démocratie à l'occidentale ne peut y naître sans lois garantissant le pluralisme dans le domaine social et culturel, particulièrement celui des moeurs et du mode de vie de chacun. Sinon, on n'y aura qu'une démocratie au rabais ; au mieux, une démocratie sauvage.
Cela commande d'agir aussi sur le plan des causes que ne maîtrise pas la Tunisie et qui, tout en ayant des implications internes, sont de sources extérieures aux pays. Ce qui impose à l'Occident des devoirs particuliers.      
Politique globale et locale
On sait bien qu'il est inévitable aujourd'hui en politique de penser global tout en agissant au local. Cela se vérifie bien en Tunisie.
Outre le mental figé par une conception figée des rapports humains niant le respect de l'altérité, les gros boulets qui empêchent la Tunisie de sortir de sa crise sont bien évidemment le terrorisme, la corruption généralisée, la contrebande et le service de la dette. Or, il s'agit de phénomènes liés, pour lesquelles la Tunisie seule ne peut rien.
S'agissant du terrorisme, il tombe sous le sens que la meilleure parade, contrairement à ce que les islamistes prétendent, est bien la libéralisation des moeurs par la consolidation des droits et des libertés privatives. L'égalité successorale et l'abolition de l'homophobie, par exemple, seront bien plus efficaces que des politiques allant dans le sens de la rhétorique intégriste qui est le fonds de commerce même des terroristes. On ne peut donc lutter contre le terrorisme physique en allant dans son sens, cédant du terrain sur le plan du terrorisme mental.
Ce qui est loin d'être aisé pour un pays dont certaines élites ne peuvent se libérer de l'emprise, ne serait-ce que théorique, de forces agissantes liées aux dictatures arabes et aux théocraties islamiques. Or, de telles élites sont soutenues à bous de bras par l’Occident, allant jusqu'à en faire des atouts de sa politique dans le pays.
L'Occident doit donc contrebalancer une telle influence en plus de conditionner le bénéfice attendu de son soutien aux islamistes par des concessions idéologiques majeures bien concrètes de leur part.
S'agissant de ce qui ne relève que de lui, cela doit se traduire par l'effacement de la dette en la transformant en investissements ou, pour le moins, la décision d'un moratoire à son remboursement.
Il doit aussi ouvrir ses frontières à la jeunesse tunisienne dans le cadre d'un espace de démocratie méditerranéenne en usant de l'outil absolument sécurisé qu'est le visa biométrique de circulation. Cela pourrait et devrait même se faire dans le cadre d'une nouvelle Méditerranée à laquelle on agira de part et d'autre : la Tunisie en reconnaissant Israël sur la base de la légalité internationale de 1947, et l'Occident en allant dans le même sens pour mettre fin à cette plaie de Palestine, le noeud gordien à défaire en vue de la réussite de tout effort sincère pour la paix dans le monde.
Quant à la corruption généralisée en Tunisie, notons qu'elle arrange pas mal d'intérêts, notamment extérieurs au pays, ayant ainsi plus de facilité d'en faire un marché, et bien pis, un souk. Or, il n'est nul moyen de lutter sérieusement contre un tel fléau sans, non seulement un État de droit, mais aussi une société de droits.
Aussi, outre ce qui précède, cela suppose l'articulation de la Tunisie à un système démocratique ayant fait ses preuves. Pour cela, le sauvetage de la démocratie tunisienne impose nolens volens son intégration à l'Union européenne dont elle fait partie déjà, mais de manière informelle, en relevant structurellement. C'est une telle nouvelle frontière qui fera de ce petit pays prometteur en tous points une véritable exception dans l'intérêt de tous.
N'est-il pas vrai que sans éthique, le libéralisme n'est que ruine du politique et de l'économique, ayant été — et pas seulement pour le protestantisme — à la source de son incarnation majeure que fut le capitalisme ? C'est donc de poléthique que la démocratie tunisienne a le plus besoin, tout autant sur le plan national qu'international.


Publié sur Contrepoints sous le titre :
Tunisie : implications d'une naissance au forceps à la démocratie