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I-SLAM : ISLAM POSTMODERNE








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dimanche 14 décembre 2014

Pour un humanisme intégral 3

Mélodrame et drame à Ennahdha

  

        Avec la position finale du parti Ennahdha ce week-end, le spectre n’a pas disparu d’une Tunisie livrée à une partition, sinon effective, du moins idéologique et politique entre un Nord libéral et moderniste et un Sud trompé par un faux discours sur l'authenticité, se laissant attirer par les sirènes intégristes.
Formation d'un mélodrame
         La fête de la démocratie envisagée un moment où l’on osait pronostiquer un compromis historique ayant échoué, l’entente de raison confirmant le résultat des législatives entre les deux plus grands partis de la scène politique est voulue aujourd’hui a minima.
         Les faucons, et non seulement, du parti islamiste ne l'entendait pas de cette oreille, osant tout chambouler comme le démontrent les soubresauts des derniers jours. Il est vrai que l’humain, dont l’étymologie est la même que l’humus, il est des démons qui s’gitent au tréfonds de chaque inconscient, manifestant cette part du diable qui complète celle de l’ange et sans lesquelles il n’est nul humain.
         C’est ce qui nous a valu le pas de danse peu artistique du parti islamiste écartelé entre ses intérêts stratégiques avec sa survie politique et la tactique à courte vue de ses plus dogmatiques. Cela a failli compromettre le fin stratagème monté de toutes pièces par l'éminence grise nationale du parti islamiste, arrivant malgré tout à en déjouer l’ordonnancement.  
         Ainsi, cédant à un jeu machiavélique puéril, le parti a été contraint d’approuver ceux des analystes les moins soucieux de la stabilité de la Tunisie s’ingéniant à saisir le premier tour comme l'occasion idéale de faire d'une pierre deux coups, manifeste et occulte.
       Occulte, consistant à contester une hégémonie, peu prisée par certains, du gourou officiel du parti ; et manifeste en prouvant la capacité de nuisance des radicaux islamistes, se faisant appuyer par des supposés modérés, pesant de tout leur poids sur l'issue du scrutin en apportant un total soutien au président sortant au potentiel électoral dérisoire.
         Le clan supposé modéré d'Ennahdha a certes pu dire n'avoir pas été suivi par leurs troupes; il n'empêche qu’il a ainsi versé dans un machiavélisme politique assez courant dans la pratique politique à l’antique, se limitant en ménageant les apparences a servir un ego surdimensionné, patent dans le parti et auprès de ses soutiens étrangers.
         C'est celui de détenir les clefs du jeu politique, étant en mesure de maintenir à Carthage l'actuel président provisoire ou d'y faire entrer son rival; un tel rôle de faiseur de rois ne déplaisant pas aux politiciens classiques, il est vrai.
         Les apparences ménagées n’empêchent que le doute devait être levé quant au refus d'alignement sur une ligne de realpolitik laissant supposer — bien que cela le soit à tort — une distance prise avec les fondamentaux du parti. Car, lorsque l'unité du parti est en jeu, tout prix à payer est bienvenu, y compris en termes de fausses apparences du moment que cela paye. Une loi sociologique bien établie le confirme, d’ailleurs.
Du mélodrame au drame
         Il est vrai, tout cela était marqué du sceau du provisoire ; il n’empêche qu’il n'honorait pas les modérés et supposés démocrates du parti, en donnant l’image de l’enfant gâté, prompt à casser le jouet qu'il venait de réussir à se faire offrir.
         En la matière, ce jouet était le compromis historique entre les deux tendances opposées de la politique en Tunisie, laissant entrevoir un gouvernement d'union autorisant une période de stabilité dans le pays par trop éprouvé depuis des années.
         Et voilà le parti qui y revient après que certains de ses membres, l’un modéré et les deux autres extrémistes, ayant fait ouvertement état de leur dissension !
         Un tel passage du mélodrame au drame était fatal, constituant l’issue paroxystique de toute crise salutaire, obéissant de plus aux règles classiques de la politique à l'antique, où il sied de ruser et de tromper. Toutefois, outre le fait qu’un tel jeu est malsain, venant d'un parti se réclamant des valeurs, il demeure particulièrement dangereux en une Tunisie menacée de l’intérieur et de l’extérieur par les ferments de la division et de l’anarchie. On voit bien où il mène le pays, ouvrant un boulevard aux aventuriers, apparents et occultes, puisque l’un des deux candidats au second tour s’apprête d’avance à contester son échec.
         À Ennahdha, ce week-end, on a vérifié donc les limites du machiavélisme politique, s’imposant le devoir de sortir enfin du bois en se déclarant clairement quand son attitude vis-à-vis du candidat du camp ennemi d’hier. Il ne le fait certes pas encore de la manière la plus claire, mais il n’est plus loin de le faire en appelant à un gouvernement d’union nationale comme s’il orientait déjà ses troupes les plus fidèles à l'abstention, en appelant à la discipline partisane, contestant l’appel de ses deux plus radicaux membres à soutenir une option néfaste pour son avenir en Tunisie.
         Il reste au parti de prolonger au parti sa position officielle peu sibylline par un mot d’ordre secret à ses troupes les exhortant à éviter de faire encourir au parti la grave responsabilité de pousser la Tunisie sur le chemin des périls, le maintien de M. Marzouki à Carthage étant synonyme d'instabilité dans le pays et de graves turbulences.
         Une semaine décisive s’annonce pour l’aile modérée et réaliste d’Ennahdha pour faire montre de ce sens patriotique qu'il est plus jamais tenu de prouver outre de son sérieux politique, et ce au risque de voir se diviser encore plus ses troupes, allant peut-être même à un possible éclatement. Mais n'est-ce pas face au péril que l'on éprouve la fidélité aux valeurs et la discipline pour les honorer, même contre son gré, la politique ayant des lois que l'idéologie n'a pas ?
         La part utile au sein d'Ennahdha, ses troupes fidèles, sauront-ils désobéir à la forte pression extérieure pour obéir à une direction nationale ayant su décider, sans réussir à ne pas sacrifier à une forme classique de langage politique à tiroirs,  d’être enfin cohérente et sérieuse dans une volonté franche d'occuper durablement, mais paisiblement, la scène politique, d'y incarner l'islam démocratique ?
         C’est que le machiavélisme, assumé ou imposé à ses troupes et à sa direction, dont Ennahdha a usé jusqu’ici a montré ses limites en un temps où la pratique politique (poléthique) exige de l’éthique, supposent enfin un positionnement clair, éminemment  moral, mais pas moralisateur.
Comment réussir l’islam politique ?
         Il y a encore du pain sur la planche afin de démontrer, avec le sens patriotique nécessaire, que voter pour M. Marzouki, c’est assumer le risque pour le pays d'être encore plus divisé, non seulement sociologiquement et idéologiquement, mais aussi politiquement et institutionnellement. Imposer aux puristes de ses troupes pour le moins le vote blanc, c’est faire le sacrifice nécessaire pour préserver le pays et le futur de l'islam politique en Tunisie.
         Cette dernière hypothèse implique, bien évidemment, la participation d'Ennahdha à un gouvernement d'union nationale ; ce que son conseil délibératif n’a pas manqué de demander. C’est peut-être un peu tard ; mais cela lui aurait donné, d'un côté, l'aura de sauveur du pays et, de l'autre, la qualité de seul représentant des valeurs de l'islam, retirant une telle prétention à M. Marzouki qui retrouverait sa vacuité idéologique avec ses troupes, limitées en nombre et obnubilées par un passé révolu. 
         C’était l’hypothèse la plus probable n’était la ruée dans les brancards des plus dogmatiques au sein d’Ennahdha ; car la solution qui paraissait évidente il y a peu n’a plus les faveurs du camp adverse obligé de se plier aux affres d’un second tour harassant pour son candidat âgé et surtout perturbant pour les perspectives d’une autre alliance d'un gouvernement toujours d’union, mais plus qui ne serait plus ouvert aux islamistes, du moins dans l’immédiat.
         La gageure reste de réussir à surmonter le péril majeur consistant à soulever, à la faveur de l’acquis électoral, une partie de la population contre une autre, celle adhérant au projet d’un candidat — quel qu’il soit — qui aura perdu au second tour en refusant d’en reconnaître le verdict, contestant sa transparence.
         Or, l’un des deux candidats en lice, anticipant une défaite annoncée, semble déjà agir comme s’il préparait un scénario catastrophe risquant de faire de la fête de la démocratie un drame pour l’unité du pays.
         Agissant activement contre un tel péril, le parti islamiste saisira assurément ainsi la nouvelle occasion s’offrant pour lui afin de prouver son sens démocratique et patriotique.        
         Comme on le voit, tout se passe pour Ennahdha comme si la scène politique était pour lui cette auberge espagnole synonyme de lieu dépourvu de tout, où l’on ne trouve que ce que l’on a apporté. L’auberge tunisienne est ainsi le lieu par excellence où l’islam politique, et sa réussite ou son échec relèvent de la fameuse question de Montesquieu, adaptée à notre situation politique : comment être musulman ?

Publié sur Leaders 


Article ayant fait l'objet d'une actualisation, 
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