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dimanche 9 février 2020

Pour une postdémocratie 9

Le bal masqué de la formation du gouvernement





On ne fait pas du neuf avec ce qui est usé, sauf à tailler dans le tissu, éliminer les pans détériorés; or, la législation du pays est une étoffe mitée, étant celle de la dictature. Aussi, dans un pays se voulant de droit, dont les juges appliquent des lois illégales, on ne peut gouverner utilement avec cet habit législatif miteux. Au mieux est-on dans un bal masqué, pratiquant une politique sans lettres de noblesse, où l'on n'a pas honte de verser dans la malice, sinon le vice. Comme pour le précédent, la formation du gouvernement en cours en donne illustration ; comment sortir d’un tel bal de têtes politicard ?



Politique à l'antique, sans éthique

Si nos politiciens se permettent de porter le masque de l’hypocrisie, grimés sans vergogne de faussetés, c’est que rien ne le leur interdit formellement. Sauf à avoir une morale personnelle qui ne relève que des qualités de la personnalité politique, sa morale personnelle, la politique étant loin d’être éthique, n’étant pas encore cette poléthique à laquelle j'appelle. En effet, chez nombre de politiciens, faire la politique est synonyme de ruser et mentir, sinon tromper, être immoral; il suffit de les voir s’agiter au lieu d'agir pour en avoir la preuve.    

Sortir de ce bal masqué impose l'assainissement préalable de la scène publique, y imposant le minimum moral faisant défaut. Ce qui ne saurait advenir que par la réforme législative en profondeur qui veut dire des lois interdisant de telles pratiques, élevant au degré le plus élevé le devoir d’éthique par la culture des droits et des libertés. C'est donc une volonté politique qu'il faut au gouvernement à venir assise sur une majorité au parlement afin de lui donner consistance et réalité. Mais il ne peut prétendre y arriver en se limitant aux généralités dans son action future, avec juste des slogans et déclarations d'intention vagues. Il doit en balisant le terrain par des mesures concrètes incontournables, décisions d'actions définies n'attendant que le vote de confiance pour être mises à exécution.

Aussi, il était plus  judicieux pour M. Fakhfakh de déterminer en orientations stratégiques deux ou trois mesures claires et définies pour lesquelles son gouvernement s’engage et sollicite le vote au parlement. Ce qui veut dire qu'il se fera non selon un programme relevant de l’inconnu, comme c'est le cas aujourd'hui, mais au vu d'initiatives connues dont seule la procédure de mise en oeuvre appartiendra aux ministères, mais dont la philosophie commandera l'action gouvernementale d'ensemble, étant des mesures courageuses, au fort symbolisme, répondant aux attentes populaires. Cela implique que si le gouvernement ne réussit pas à obtenir la confiance au parlement, il pourrait être appelé à les défendre aux élections qui deviendront inéluctables pour obtenir, en vue de leur réalisation, la confiance encore plus légitime du vote populaire.


Engagements concrets au fort symbolisme
Pour la politique du gouvernement en général, il importe de cesser de mentir quant à la situation du pays, étant fatal de reconnaître que la Tunisie dépend de sa géostratégie et de la sphère des intérêts occidentaux. Loi d'être un diktat capitaliste, il s'agit de contraintes acceptées, déjà évidentes à la mise en place de l’ordre succédant à la dictature. Ne pouvant se libérer de ses obligations libérales, la Tunisie se doit toutefois d’agir à épuiser la logique de l’ordre libéral, veillant à ce qu’il ne verse pas dans la sauvagerie de ce capitalisme dévergondé auquel nous assistons. Ce qui suppose d’exiger d’intégrer le système libéral en tant que partie prenante, non de le subir.

Ainsi, comme la Tunisie dépend totalement et de manière informelle de l'Union européenne, il serait judicieux, en une époque où la géographie ne compte plus, d’agir afin qu’une telle dépendance soit formelle en déposant sa candidature pour en être un État membre. Officialisant l'intrication de son sort dans celui de l'Europe, elle bénéficiera des fonds structurels européens indispensables pour sortir de sa crise économique, réussir sa transition démocratique. En effet, nul n'en doute, le pays ne saura ériger son État de droit sans s'articuler au système européen en étant membre et cette arrière-cour qu'il est pour les excès du libéralisme occidental, le capitalisme ayant besoin de sous-démocraties à l’extérieur de ses frontières pour faire ce qu’il ne peut plus se permettre à l’intérieur de ses États de droit.

Outre la demande officielle d’adhésion à l’UE, le futur gouvernement doit s’engager, selon un échéancier précis, à réaliser la réforme législative afin de libérer enfin le pays de l’ordre juridique de la dictature, conformant ses lois à sa constitution, mais aussi aux standards internationaux. Ce qui suppose, outre l'instauration de la Cour constitutionnelle, de suspendre toutes les lois illégales ainsi que cet infra-droit que sont les circulaires et arrêtés administratifs et de réaliser au plus vite la réforme législative, notamment des Codes pénal et de procédures pénales, et encore mieux en votant le Code des droits et des libertés, issu des travaux de la Colibe.

À ces mesures de logique politique et juridique autour desquelles se fera la politique du pays, s'ajoutera nécessairement une autre au fort symbolisme populaire : la libre circulation des Tunisiens par la transformation du visa biométrique en visa de circulation. Car au moment où est consacrée la circulation sans entraves des marchandises, la libre circulation humaine devient impérative; aussi, le nouveau gouvernement devrait saisir également l'occasion de la tenue à Tunis du sommet de la francophonie pour appeler à un visa francophone de circulation refondant une francophonie qui ronronne, lui redonnant sa dimension d’aire de fraternité et de coopération concrète qui sont tributaires du libre mouvement humain.

D'autres mesures seront nécessaires de même dans le domaine économique et social où il nous faut rappeler la condition de la Tunisie, pays pauvre et qui ne saurait supporter les implications d’un libéralisme dévergondé. Si le gouvernement doit faire état de son attachement à l’économie libérale, il se doit dans le même temps d'exiger le bénéfice de ses partenaires capitalistes de conditions similaires à celles ayant permis à l’Europe dévastée après la Seconde Guerre mondiale de recouvrer la santé. En effet, la Tunisie subit un désastre, celui de la dictature et ses suites dont l’Occident assume une part de responsabilité. Or, la région risque gros si le pays n'est pas enfin un État de droit avec une société de droits et de libertés, ce qui est nécessaire au développement, socle durable pour une prospérité commune. Car si le chaos est propice aux juteuses affaires, elles sont de courte durée, moins profitables que dans un environnement de paix et de solidarité.



Sortir de la confusion des valeurs

De telles mesures concrètes et courageuses, osant aller contre le conformisme ambiant tout en étant dans le sens de l'histoire, sont de nature à permettre de quitter la nébuleuse des attitudes politiciennes de pure jonglerie. Annoncées en autant d’engagements précis, elles indiqueront clairement qui est pour le service de ce peuple et qui est contre, étant prêt à entrer au gouvernement pour les mettre à exécution ou s’y refusant.

Dans ce même cadre faisant fi du dogmatisme et du convenu, il serait également possible de songer à une initiative sur la Palestine contrant l’injuste plan Trump et réhabilitant le droit, tout le droit, ce qui implique le retour aux résolutions de l’ONU, acte de naissance de l’État d'Israël, souverain et reconnu internationalement, mais de l’État de Palestine aussi dans des conditions identiques. C'est dire qu'il faut en finir ici avec la confusion des valeurs qui transforme la vérité en mensonge et vice-versa.

C'est ce qui aidera véritablement à agir au salut d'une patrie martyre hors des divisions, du faux consensus et de la politique de la simulation et de la dissimulation, car « la perversion de la cité commence avec la fraude aux mots  », disait Platon. On l'a vue à l'œuvre avec le limogeage de l’ambassadeur à l’ONU et la dénonciation du match de tennis avec Israël. S'agissant du premier, trop entreprenant sur la cause palestinienne, qu'à-t-il fait de plus que le président de la République ? Son rappel serait-il un désaveu de ce dernier ou la manifestation de sa part d'un double jeu ? Pour la seconde, les ministères des Affaires étrangères et du Sport faisant banqueroute à leurs devoirs, fulminant sans raison ou bottant en touche, ne fallait-il pas se taire ou, mieux encore, appeler à tenir le sport à l'écart de la politique politicienne ?       


Publié sur Réalités Magazine 
n°1781 du 14 au 20 février 2020