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I-SLAM : ISLAM POSTMODERNE








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dimanche 3 novembre 2019

L’exception i-slamique 4

Une révolution mentale par l’étiquette et le protocole






Il faut le dire et le répéter : la Tunisie ne changera pas tant qu’elle n’aura changé de mentalité. Or, ce qui crée ses vrais problèmes est incrusté en son mental où il est des racines du mal, prenant naissance dans l’inconscient autour de cette culture si prospère chez nous du non-dit et des fausses vérités. C'est cela qui finit par prendre forme dans les attitudes conscientes les plus conservatrices, voire belliqueuses. Car ce qui apparaît alors pour certains censé ou légitime ne l'est point, n'étant articulé que sur des faussetés et une vision réductrice des réalités. C'est même une caricature de la pensée juste, saine et éthique ou de la religion dans une lecture guère plus correcte, mais déformée en violant ses visées de justice absolue.  

 

En finir avec une étiquette obsolète



Il n’est pour illustration qu’à s’attarder sur la polémique agitée par des esprits imbus des idées obsolètes qui érigent la forme et l’apparence en impératif catégorique bien avant, et même à la place, du fond. Ainsi, au nom du prestige de l’État, on reproche aux visiteurs du nouveau président de la République de mal se comporter, alors qu’ils ne font qu’être ce qu’ils sont dans leur vie de tous les jours et d’agir comme ils le feraient spontanément, sans chiqué.

À l’un, l'on reproche sa manière de s’asseoir, à l’autre de porter des espadrilles et non des chaussures de ville, et à la dernière d’avoir avec elle son sac à main féminin, pourtant accessoire féminin quasi incontournable. Est-ce vraiment à condamner quand on sait que le nouveau président prône le retour à la sincérité et à l’honnêteté et rappelle que le prestige de l’État est d’abord celui de ses citoyens ? Quel plus grand prestige, par conséquent, que de se comporter le plus naturellement du monde en sa présence ?

Certes, cela heurte l’étiquette, nous dit-on ! Mais qu’est-ce donc l’étiquette sinon une hiérarchie classant les personnes selon leur rang, social, politique ou idéologique, découlant d’un ordre qui en fait un cérémonial de pouvoir, de stigmatisation et d’abus ? Et le protocole auquel on réfère pour condamner ces comportements, somme toute salutaires et qui participent de la transformation en profondeur du pays, ne date-t-il pas de la dictature, devant en toute logique être changé dans le cadre de la réforme généralisée du pays qu’entend entreprendre le nouveau président ?

Ainsi, se référer à une telle étiquette pour condamner revient à s'accrocher à une mentalité obsolète d'un temps révolu qu'on veut de la sorte, consciemment ou inconsciemment, perpétuer. Ce qui heurte le sens même de l'histoire dans lequel le pays est engagé depuis ses dernières élections.

 

En finir avec le protocole d'ancien régime 



Redisons-le ! Le protocole, qui n'est que cet ensemble de règles à observer en matière d’étiquette et de préséance dans les cérémonies officielles, édicte ses règles et son étiquette au service d'un pouvoir en place. Et le protocole actuel, toujours en vigueur, comme au reste la législation du pays, n'est que l'héritage de la dictature. Jusqu'à quand continuer à en user plus de huit ans après la supposée révolution qu’a connue le pays ?

Surtout, peut-on l’utiliser encore alors que le nouveau président affiche son ambition déterminée de rompre avec le passé honteux afin de rendre effective dans le pays sa révolution, que je nomme coup du peuple, pour que le peuple de Tunisie soit enfin dans le coup dans la gestion de sa vie au jour le jour ? Or, cela — n'arrêtons pas de le rappeler à notre président, spécialiste émérite du droit constitutionnel — ne peut se faire qu’avec des droits et des libertés, dont les premiers ne sont que de se comporter avec spontanéité et en toute liberté.    

Aussi, nous approuvons amplement le comportement de M. Kaïs Saïed qui ne semble nullement gêné de recevoir ses invités dans leur accoutrement habituel malgré les cris d’orfraie des mentalités du passé. Toutefois, et tout autant que pour ce qui a été cité ci-dessus et ne devant plus poser problème en termes d'attitudes à Carthage comme ailleurs, il serait logique et salutaire de la part du président de donner les instructions qui s'imposent en vue de toiletter le protocole présidentiel des scories de l'ancien régime.

La plus choquante, assurément, est celle d’exiger qu’une femme, appelée à de hautes fonctions et devant prêter serment, le fasse la tête couverte au prétexte que cela serait imposé par la religion. Car la démonstration a amplement été faite qu'il n’est aucune obligation religieuse en islam en la matière; le supposé voile islamique n’étant que biblique, puisqu'en en islam correctement interprété, il est juste une tradition, nullement ce précepte cultuel qu'il est dans le judaïsme et le christianisme. 

De plus, la constitution consacre la notion d’État civil et impose de ne pas introduire la religion dans des domaines qui ne la concernent pas, sa sphère d’excellence exclusive étant la vie intime dans un rapport direct entre Dieu et sa créature, sans nulle immixtion de qui que ce soit pour parler au nom de Dieu, la foi d'islam n’ayant ni église ni synagogue.



Sauver le Coup du peuple et sa foi

Si nous prenons cet exemple précis du voile, c’est pour son aspect symbolique, car il ne faut jamais négliger les dégâts de ce qui semble anodin dans l’inconscient collectif, son influence sur l’imaginaire populaire. On sait d'ailleurs qu’une révolution peut naître d’un slogan en phase avec le ressenti populaire. N’est-ce pas, au demeurant, le cas avec le coup du peuple réactivé ou en cours en Tunisie avec l’élection de M. Saïed dont le mot d’ordre du « peuple veut » devrait avoir l’effet du rouleau compresseur pour les vieilleries toujours à la surface de la pratique politique dans le pays ?

C'est bien ce qu'il importe de consolider avec des actions aussi symboliques qu'impératives en vue de concrétiser ce coup du peuple appelé révolution avant qu’il ne finisse par engendrer un contrecoup. Or, il serait incontournable si la faim populaire de dignité n’est pas satisfaite par une réelle et effective fin de l’ancien régime, ses lois et ses pratiques d’abus généralisés. Et cela ne saurait avoir lieu qu'avec des libertés et des droits effectifs, enfin, l'assise imparable de la dignité quêtée par le commun des Tunisiens, ces gens de peu ou zawalis formant la majorité de nos concitoyens. C’est d’autant plus nécessaire et urgent que la situation dans le pays s’y prête tout en étant grosse de périls de tous ordres.

Aussi, au moment où l’islam fait l’objet à nos frontières, et surtout en Occident, d'attaques éhontées dénonçant son arriération d'aujourd'hui alors qu’il a été une foi de civilisation et a pris une part importante aux Lumières, il serait temps de rendre à cette religion ses lettres de noblesse. Assurément, cela commence par de tels petits détails dont l’influence est immense sur l’inconscient sclérosé chez nombre de nos musulmans intégristes puisant plutôt dans la Bible et l’Ancien Testament leurs lubies que dans le Coran correctement lu et interprété en tant que foi de droits et de libertés d'un fidèle ne se soumettant qu'à son créateur.

C'est bien cela la théologie de la libération islamique ! D'autant qu'on en a une bien belle lecture qui a été, à ce jour, la plus proche de l’esprit et des visées de l’islam des origines : celle des soufis qu’il importe de réhabiliter et de mieux diffuser, étant la seule alternative à l’intégrisme et le meilleur antidote au dévergondage actuel de notre foi, religion du pays.

Surtout que le soufisme est présent dans les moeurs du peuple, même si sa pratique a pâti de l’ostracisme dont il a fait l’objet, versant avec le temps dans le folklore, loin de la pensée haut de gamme de certains de ses maîtres, tel Ibn Arabi. Visage rayonnant de l'islam des Lumières, il a magnifié au plus haut point, en effet, le génie de l'islam en tant que spiritualité incomparable pour nos temps troubles, l'islam étant d'abord paix, à la fois physique et morale, ce que j'orthographie pour ma part i-slam, foi postmoderne par excellence.     



Publié sur Réalités magazine 
n° 1767 du 8 au 14 novembre 2019