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lundi 9 septembre 2019

Noblesse de la foi 3

L’encre indélébile n’est pas obligatoire pour voter



Le phénomène de l’encre électorale, cette tache sur le doigt qu’on veut synonyme de fierté, n’est qu’un stigmate, une flétrissure pour les Tunisiens, emportant un soupçon de sous- développement.
Certes, à la base l’encre dite indélébile est voulue une arme contre les votes multiples. Or, utilisée pour indiquer qu’un électeur a voté, elle est parfaitement inutile quand les listes électorales sont à jour et que l’identité de l’électeur ne fait pas de doute. Ce qui est le cas en Tunisie avec les listes à jour et la présence de pièces d’identité fiables.
En effet, on ne voit pas comment il peut y avoir risque de vote multiple lorsque la liste électorale est émargée par l’électeur qui signe cette liste d’émargement, indiquant ainsi qu’il a voté. Aussi, au mieux, le marquage de son doigt à l’encre ne relève que de la redondance, sinon d'intérêts peu avouables dont on parlera ci-après et qui permettent de se poser la question suivante : continuer à utiliser cette encre parfaitement inutile ne serait-ce pas au profit d'intérêts occultes derrière son usage ?

Une encre qui vicie l’acte électoral

Juridiquement,  si l’encre est prévue, c’est tout juste comme une faculté, la loi précisant que « L’Instance peut décider l’usage de l’encre électorale pour l’électeur et l’accompagnateur ». Elle stipule, par ailleurs, qu’il est procédé à la vérification de l’identité de l’électeur lorsqu’il entre dans le bureau de vote avec notamment l’assurance de l’inscription de son nom sur la liste des électeurs relevant du bureau de vote et que l’électeur émarge.
Voilà ce qui peut se comprendre quand il y a effectivement risque ou suspicion de votes multiples; or, on n’en voit pas avec une identité ne posant pas problème et une liste à jour, émargée. Aussi, prétendre que c’est pour la  transparence que chaque électeur doive tremper son pouce dans l'encrier avant de passer dans l'isoloir serait illégal si cela ne doit pas être juste une faculté et en parfaite connaissance de cause, nullement une obligation. Aussi cela doit-il être précisé aux électeurs !
Rappelons que cette encre a été utilisée pour la première fois en Tunisie lors de l’élection de l'Assemblée nationale constituante. Importée d'Angleterre, elle était présentée comme devant éviter toute tentative de voter plus qu'une fois à la place d'un autre électeur ou encore à la place d'un mort. Or, dans les faits, une telle  noble visée de garantir la transparence du scrutin avec la louable intention d’éviter l’infraction de fraude a abouti à en créer de toutes pièces une autre, bien plus grave, celle de la corruption ci-après évoquée.    
Ce qui fait que l’image d’électeurs sortant des bureaux de vote en montrant avec fierté l’index marqué à l’encre indélébile est devenue une sorte de paravent de nature à occulter d'éventuelles insuffisances de nos élections, notamment quant à une administration électorale neutre et indépendante. L’ISIE l’est-elle vraiment ?
S’agissant de l’encre, on a déjà vu son bureau, à la veille des municipales, décider souverainement de ne plus y avoir recours avant de faire volte-face sous des pressions diverses, notamment de la part des partis appelant au maintien de l'usage de l'encre. Pourquoi y a-t-elle cédé ? Et pourquoi s’obstiner à utiliser une encre jugée inutile ? L’ISIE n’avait-elle pas pris une décision mûre, bien réfléchie et en toute connaissance de cause de l'intérêt de cette encre ?  Y recourir ne met-il pas en doute ses listes électorales qui ne seraient alors pas assez fiables pour devoir obliger l’électeur à se tacher le doigt d’encre afin de valider son voté ?

L'ISIE doit dire la vérité aux électeurs

On l'a dit, juridiquement, cette encre ne revête aucun caractère de formalité substantielle pour la validité du vote; c’est juste une faculté. Conséquemment, on invite fortement l’ISIE à prendre le soin, avant les jours du vote, à l’étranger et en Tunisie, de préciser aux électeurs que, du moment que leur identité ne pose pas de problème au bureau de vote, ils ne sont pas tenus d’avoir ce stigmate de sous-développement sur le doigt.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit : une encre réservée aux pays sous-développés; soit une flétrissure que ne méritent pas les Tunisiens. Certes, l’intention au départ est bonne : garantir qu’il n’y a ni erreur ni tromperie sur l’identité du votant, surtout pour éviter le double vote. Or, si cela peut advenir  dans les pays n’ayant pas d’état civil bien géré ni de listes électorale en règle et à jour, il ne le peut en Tunisie qui, en la matière, a des pratiques conformes à celles des pays développés. Pourquoi alors la traiter en pays sous-développés ? Use-t-on, par hasard, d’encre sympathique en Occident ?
Que l'ISIE ose donc, par honnêteté, à le reconnaître et à le dire : le seul intérêt de cette tache sur le doigt de l’électeur est mercantile. Il est d’abord celui des officines qui le commercialisent et qui ont intérêt à ce que cette pratique soit maintenue sans nulle exception à l’échelle mondiale en vue d'un maximum de profits. C’est, au reste, ce qui a amené à en faire don à la Tunisie pour l'élection présidentielle, l’ISIE n’ayant pas matériellement le temps d’en commander. 
Son intérêt, au niveau national — ce qui est encore plus grave — est que cette encre inutile pour l'intégrité du vote l'est pour l'argent sale, ayant généré des pratiques mafieuses. En effet, les politiciens qui achètent les voix des électeurs qui les vendent (hé oui!) exigent la preuve qu’il y a bien eu vote; et c’est la tache d’encre sur le doigt qui en fait office.
Bien pis ! Dans certains pays, comme on l’a  relevé en Égypte, on contrôle dans les administrations avec cette encre ce qui serait une obligation de vote déguisée, sévèrement sanctionnée, malgré l'absence en dehors d’obligation légale de voter comme c’est le cas dans certains pays.
  
Publié sur  le magazine Réalités 
n° 1759 du 13 au 19 septembre 2019, p. 30.