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mercredi 22 novembre 2017

Espace ouvert vs frontières 4

Contre la clandestinité, pour le visa biométrique de circulation


La crise mondiale est celle d'un libéralisme dont l'esprit est bafoué et l'éthique méconnue. Aussi, renouer avec l'esprit libéral reviendrait à refaire règle de la liberté, en matière de circulation humaine en l'occurrence, avec un outil aux normes des réquisits sécuritaires.
  

Réduire le libéralisme à ce qu'il est devenu : une incarnation du capitalisme sauvage de ses temps honnis, c'est non seulement le caricaturer, mais en violer l'esprit. C'est aussi le vider de toute éthique; ce dont le libéralisme authentique ne manque pas.

Or, si en Occident le libéralisme s'est considérablement assagi à la faveur des acquis démocratiques, il ne s'est pas encore débarrassé, ailleurs, de l'un de ses péchés mignons. On le voit ainsi,  notamment dans les pays du Sud, vouloir réaliser le plus de profits là où cela est possible au prétexte que l'y autorise l'absence d'État de droit dont il ne serait pas responsable.

Or, c'est un leurre, car ces pays sont nolens volens sous la dépendance de cet Occident qui se fait ainsi juge et partie pour décider, en cette partie miséreuse du monde, ce qui fait loi et ce qui fait morale.

En la matière, le néolibéralisme doit aussi se sentir tenu de respecter l'éthique tout autant qu'en Occident afin d'honorer le modèle duquel il se réclame. Et cela doit amener à porter quelque attention aux retombées sociales des initiatives libérales, notamment en matière de droits et de libertés, particulièrement  celle de libre circulation.

Retour au laissez-faire, laissez-passer

Que serait le libéralisme sans sa devise fétiche incarnant sa réalité et sa radicalité ? Cependant, le laissez-faire, laissez-passer ne saurait plus se limiter au domaine des marchandises, comme c'est devenu le cas; il se doit de s'étendre à celui des créateurs de telles richesses que sont les humains.

Aujourd'hui, dans les pays du Sud, au Maghreb par exemple et particulièrement en Tunisie, on assiste à une marche forcée imposée par l'Europe et les États-Unis d'Amérique vers un libéralisme voulu intégral. Or, il ne l'est que théoriquement, se limitant à l'ouverture du pays aux marchandises et aux services (ALECA, Open Sky...) tout en maintenant, en face, les frontières occidentales fermées en maintenant la formalité du visa délivré parcimonieusement aux Tunisiens, quasiment jamais aux jeunes.

Outre cet outil dont l'obsolescence et la dangerosité sont désormais avérées, l'Occident, si soucieux en théorie de ses valeurs voulues universelles, ne fait rien ou pas grand-chose pour les faire advenir en un pays où son influence ne fait nul doute.

Il n'en use pas auprès d'élites à lui acquises ou soutenues à bout de bras, tels les islamistes, pour que les acquis démocratiques restés lettre morte d'une Constitution tunisienne — qu'il a quand même contribué activement à faire adopter — se transforment enfin n réalité.

Pour cela,  lui suffit de prendre conscience que sans droits et libertés citoyennes, notamment en matière sociale, le libéralisme ne sera que la ruine d'un pays sur le point d'exploser, étant encore soumis, à près de sept ans après la chute de la dictature, à sa législation scélérate, y compris avec ses lois liberticides datant du protectorat.

Certes, on prétexte la spécificité de la société tunisienne qui tiendrait à sa religion musulmane; or, il a été démontré qu'à l'exception d'une minorité faisant commerce de religiosité, tel cet Occident se servant d'une version altérée du libéralisme, la société tunisienne est libertaire.*

C'est l'environnement légal de contraintes et de violence morale d'une minorité élitaire rétrograde quant à ses valeurs qui encourage une hypocrisie sociale ne relevant, au fond, que d'une labilité forcée, une sorte de ruse de vivre. D'où l'apparence de conservatisme social parfaitement fausse.    

Au vrai, ce sont les élites au pouvoir qui sont conservatrices, et ce sur tous les sujets de société sensibles, comme l'égalité successorale, le libre droit de consommer l'alcool ou même le droit au sexe. Elles s'appuient sur des lois désormais nulles au regard de la constitution, pour conforter leurs intérêts en contrôlant la société au nom du respect de la religion. Ce qui est faux, car ces lois violent aussi la foi du peuple correctement interprétée.

Aussi réussir le libéralisme véritable en Tunisie doit-il consister à renouer avec l'esprit libertaire des origines consacrant les droits et les libertés des masses dans leur vie de tous les jours, dont notamment le droit de circuler librement, un droit se devant d'être radicalement honoré tout autant au nom du libéralisme correctement décliné que des droits humains.

Un  outil obsolète et criminogène 

Certes, dans un monde en crise, livré aux turpitudes nationalistes et idéologiques des uns et des autres, on a une légitime peur de l'émigration clandestine et du terrorisme qu'elle emporte avec elle.

Or, le visa contribue à la créer dans la mesure où il est source de frustration inutile et d'animosité grandissante à l'égard de l'Occident et n’empêchant pas l'entrée illégale en Europe au milieu de ces drames dont la Méditerranée est devenue un spectacle continu.

Devenue un véritable parcours du combattant, l'actuelle pratique du visa est même synonyme d'arrogance occidentale et de rabaissement des ressortissants des pays du Sud. Il ne reste pas moins cette illusion rêvée de jeunes déçus qui sont alors une proie facile pour les prêches de la haine.

Le visa actuel, outre son échec à contrer la clandestinité, est pain bénit pour les organisations maffieuses de traite des humains et des criminels qui usent du terrorisme mental pour renouveler sans fin leurs munitions humaines, trouvant auprès des désespérés recalés au visa  la chair fraîche dont ils ont besoin pour leurs diaboliques œuvres. Ainsi, celles-ci visent-elles de plus en plus l'Occident, surtout l'Europe proche, érigée en terre de conquête, ne serait-ce que du fait de la présence de ce qui serait, selon les fantasmes des xénophobes, un parfait cheval de Troie.

Il nous faut le dire et les politiques doivent le réaliser : c'est le visa tel qu'il est en usage actuellement qui est l'arme de destruction massive des haineux d'un Occident qu'ils présentent comme injuste et arrogant et qu'ils retournent contre lui. Effectivement, le visa actuel manifeste cette arrogance et cette injustice de la plus belle et la plus irréfutable façon.

Que dire d'autre quand l'Europe préfère investir des milliards dans ce système Frontex qui ne serait qu'un illusoire mur sur les eaux de la Méditerranée ? On a bien vu tomber un mur autrement plus solide, supposé empêcher un danger bien plus grave, celui de Berlin !

Aussi, le mur Frontex sera bien englouti un jour par cette mer vorace en vies humaines, mais au prix de combien de victimes ? Notre mer commune est désormais une nouvelle aire de corsaires et de flibustiers qui sont à la fois ces politiciens de tous bords, aveugles aux réalités du moment nécessitant une solidarité sans faille entre les rives nord et sud de la Méditerranée.

De fait, les tenants aux frontières fermées sont les complices objectifs des terroristes et des organisations de passeurs professionnels. Or, un tel attachement à un instrument notoirement périmé est devenu une pure folie, un crime même.

Car l'utilité du visa est nulle et sa dangerosité est absolue; aussi, s'y tenir, asseoir une politique sécuritaire sur une base aussi bancale, revient à n'avoir que les déboires assurés d'une politique inepte et inefficace, en plus d'être criminogène. D'autant plus que l'outil fiable et efficace de rechange existe bel et bien.

Un outil fiable : le visa biométrique de circulation 

Soyons clairs : il ne s'agit nullement, dans l'immédiat, d'appeler à se passer du visa biométrique actuel. Il s'agit tout simplement d'en rationaliser la pratique en le transformant en un visa de circulation, une catégorie qui existe et dont il faut tout juste généraliser l'usage.

Concrètement, il s'agit de faire du visa ce qu'il doit être : une formalité telle celle d'avoir un passeport et non un pouvoir dont on a usé et abusé. Le visa biométrique de circulation sera donc un droit pour tout ressortissant étranger qui le réclame, et ce en contrepartie de la levée de ses empreintes digitales par une autorité autre que celle de son pays, ce qui est déjà une grosse violation du droit international généralement tue mais ne nécessitant pas moins une compensation à la hauteur de la concession ainsi faite à un éminent critère de souveraineté étatique.

Délivré de droit à tout demandeur, renouvelable automatiquement, ce titre de circulation doit autoriser des entrées et des sorties multiples pendant au moins une année, pouvant aller jusqu'à cinq et même dix ans. Il est ainsi une sorte de libre circulation en miniature, mais totalement sécurisée avec le relevé des empreintes digitales prélevées.

Eu égard à la nouveauté d'un tel système devant devenir la règle à l'avenir, on se doit bien évidemment en vérifier la bonne applicabilité en grandeur nature. Et il n'est de meilleure vérification qu’avec une communauté aussi paisible généralement tout en étant peu nombreuse que celle de la Tunisie en Europe. Il est, d'ailleurs, à noter que si cette communauté est devenue la plus importante pourvoyeuse en jihadistes, c’est en partie du fait de la condition de minorité faite à sa jeunesse, chez elle comme à l’étranger.

De la part de l'Europe, cela manifesterait in concreto son soutien à la transition démocratique tunisienne. Ce qui encouragerait l'évolution vers la démocratie des autres pays du Maghreb, le Maroc à leur tête, augurant même d'une plus future intégration de ces pays à l'UE, transformant l'actuelle dépendance systémique, mais informelle, en une dépendance formelle venant compenser la sortie de la Grande-Bretagne de l'Union tout en rééquilibrant l'Europe en la réorientant vers son aire stratégique qu'est la Méditerranée et l'Afrique.  

Le sûr est qu'avec un visa permettant de circuler librement pendant au moins une année à la seule condition de ne pas dépasser la durée maximale d'un séjour continu de trois mois, on videra l'Europe de ses clandestins qui entreront de la sorte dans la légalité et se garderont de retrouver la clandestinité encouragée aujourd'hui par l'impossibilité de circuler librement. Or quand on sait que des fortunes sont dépensées dans les tragédies quasi quotidiennes d'immigration en Europe, pourquoi ne pas agir à ce qu'elles soient investies  dans des voyages légaux auxquels on donnera alors un coup de fouet ?

Le nouveau visa permettra également de diriger le budget sacrifié sans grande utilité dans l'actuelle politique sécuritaire migratoire vers les projets de développement dans les pays du Sud ou encore pour encourager des joint-ventures, ces coentreprises à cheval entre les deux rives et qui ne manqueront pas de naître, car ce qu'on appelle encore à tort émigrés ou immigrés** en sont quasiment tous porteurs, plus innovantes les unes que les autres, mais n'arrivent pas à les réaliser du fait l'impossibilité de libre circulation. Au pis, de telles sommes seraient appelées à venir remplacer le manque à gagner du fait de la gratuité du nouveau visa,  l'actuel payant rapportant gros.

C'est d'une nouvelle ère que pourrait augurer le visa biométrique de circulation, le libre mouvement en Méditerranée autorisant d'y instaurer la pais, ce qui imposerait la reconnaissance d'Israël par les Arabes et la fin de la guerre en Palestine en application de la légalité internationale. Ainsi l'espace méditerranéen de démocratie serait-il la base pour une naître de civilisation entre l'Occident et l'Orient.

Voilà comment on pourra initier en toute sécurité ce qui serait un retour à ce qui était la règle avant l'instauration du visa (annoncée comme devant être provisoire à l'époque); car ne l'oublions pas, sans libre circulation le progrès humain, sinon l'humanité tout entière, aurait connu un autre sort que celui qui a été le sien.      


* Érosensualité arabe. Sociologie de la libido maghrébine, Tunisieen exemple, Le Courrier du Maghreb et de l'Orient, Bruxelles, 2016.


** Françoise Gaspard et Claude Servan-Schreiber, La Fin des immigrés, Seuil, 1984.
  



Publié sur Contrepoints