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lundi 31 juillet 2017

Exception Tunisie 7

Pour un renvoi au parlement de la loi sur les violences aux femmes




Le président de la République ne doit pas promulguer la loi intégrale sur les violences faites aux femmes. Il a le pouvoir et le devoir de renvoyer un texte qui néglige l’essentiel des violences subies par nos femmes.

En l’état, cette loi supposée intégrale ne se concentre que sur des détails, comme le viol juridique de l’article 227 bis et des pratiques assimilées à du harcèlement sexuel alors qu’elles traduisent généralement un excès de cette convivialité du peuple se transformant en une sorte d’exutoire chez une jeunesse brimée, mais pas nécessairement de la violence à proprement parler.

Or, c’est ce qui a compté aux yeux du législateur au grand dam des vrais militants pour les droits de la femme qui ne se laissent pas aveugler par les critères occidentaux désincarnés de nos  réalités qu’on cherche à valider sans égard à leur caractère insignifiant par rapport aux vrais droits de la femme et ce à quoi elle peut prétendre aujourd’hui en Tunisie, six ans après la révolution. 

Aller aux racines mentales de la violence

La vraie violence faite aux femmes est dans les têtes et il faut l’en extirper par des lois au symbolisme fort qui bouscule les croyances faussement religieuses. C’est bien l’égalité successorale qui est la première violence à abolir. Quand le fera-t-on si on laisse passer cette occasion? Doit-on se résoudre à renvoyer cette cause emblématique aux calendes grecques? Ce serait une trahison des engagements pris.

À défaut de ce droit incontournable, n’y a-t-il pas d’autres droits à faire figurer dans la loi, comme le droit à se marier librement à qui on veut, musulman ou non? Ou encore le droit d’avoir des relations sexuelles librement consenties dès la majorité civile et aussi sexuelles? Ou encore le respect de la dignité humaine par l’abolition du test de virginité et sa base légale l’article 230 qu’on ignore superbement dans l’article 15 de la loi qui, honteusement, dans une longue liste, s'arrête à l’abrogation de l’article 229?  

De tels droits ne sont-ils pas impératifs et à inclure d’urgence dans cette loi se voulant intégrale? Car sans eux, cette loi telle qu’elle est n’est pas loin, malheureusement, d’être elle-même une violence faite aux femmes en leurs légitimes revendications d’être de suite les égales de l’homme. Après tout, il y a un peu plus de soixante ans que Bourguiba a osé user de la loi pour révolutionner les mentalités; n’en sommes-nous pas capables aujourd’hui, six ans après la révolution de la dignité qui plus est?

On dit que la loi est ambitieuse et qu’elle s’attaque à des fléaux sociaux comme l’inceste, le viol conjugal, le harcèlement sexuel. Or, son tort est de se limiter à la face apparente de l’iceberg, de ne pas s’attaquer aux causes. Ce ne sont pas de tels droits économiques et sociaux qui sont les plus importants dans un pays comme le nôtre qui n’est pas un État de droit, où les lois sont encore scélérates. C’est donc au mental qu’il faut s’attaquer et à cette violence qui se niche dans les têtes, non pas nécessairement du peuple, qui est brimé et ne fait que survivre dans un milieu répressif, mais des élites qui le gouvernent avec les lois liberticides.

Ce qu’il faut donc abolir en premier ce sont ces germes de violences dans les mentalités à l’égard des femmes et du droit à la différence. Et c’est d’autant plus impératif et qu'il urge de le faire que cela prétend se légitimer par la religion qu’on place donc au-dessus de la légalité civile. D’où l'impératif de s’attaquer aux sujets sensibles dont on ne veut pas parler; se taire à ce sujet, c’est être complice de la pire violence faite aux femmes ; le maintien de son statut d’infériorité au nom de la religion.

Un projet désincarné dicté par l’Occident

La loi adoptée au parlement le 26 juillet est à tort présentée comme une avancée pour les droits de la femme en Tunisie. Elle est même une reculade par rapport aux attentes des femmes et des espoirs suscités par le premier projet de Madame Sana Ben Achour présenté en 2014 et rejeté, non par le parlement, mais par un gouvernement aux ordres des intégristes. Pourquoi donc ne pas l’y avoir proposé, ne serait-ce que pour susciter le débat?

L’actuelle loi a une filiation illégitime avec ce projet-là qui traduisait les vraies revendications féminines en Tunisie. Au vrai, il ne s’agit que d’un prototype de lois imaginées par des ONG occidentales déconnectées des réalités de notre pays et qui entendent le coucher dans leur schéma désincarné taillé sur mesure selon les réalités occidentales.

C’est le cas des violences et harcèlement des femmes qui n’ont de sens que dans un pays où l’égalité parfaite existe déjà; ce qui est le cas en Occident, mais pas en Tunisie. Comment, en effet, prétendre s’occuper de harcèlement et de violences mineures, quand la violence majeure, absolue même, est négligée et même confirmée en prenant le soin de ne pas en parler?

C’est le cas de toute la loi uniquement dictée par le souci des ONG humanistes de valider leurs critères de modernité, vidés de tout sens puisqu’ils occultent ce qu’ils considèrent comme un trait spécifique de la sociologie musulmane et qu’elles évacuent donc d’office par souci supposé de réalisme. L’inégalité successorale en relève; d’où son absence des critères de ces ONG qui, de la sorte, se font des alliées objectives des intégristes religieux, évitant de soulever les sujets sensibles qui les fâchent.

Or, les religieux  tunisiens ne sont pas aussi dogmatiques que ceux des autres pays d’islam; ils sont réalistes et ont fait la preuve de leur capacité à évoluer. On a vu ainsi le plus proche conseiller du chef du parti Ennahdha défendre le droit à consommer l’alcool, le cannabis et aussi l’abolition de l’homophobie que M. Ghannouchi lui-même a dit un jour y être favorable. Ce ne sont donc pas les islamistes qui refusent une avancée majeure sur ces plans, mais leurs supposés adversaires qui s’empressent, pour des positions dogmatiques accessoires, de céder sur le principal.

En l’occurrence, ce qui a importé aux yeux des militantes féministes tunisiennes et occidentales c’était cette fausse indignité du mariage de la mineure violée. Là encore, il ne s’agissait que d’une vision déformée des réalités tunisiennes au vu de ce qui a cours en Occident où le droit au sexe existe non seulement aux majeurs consentants, mais aussi aux mineurs matures. En fait, ce qui a surtout compté, c’est une vision libérale au sens restreint, puisqu’on ne se soucie que des discriminations économiques au lieu de s’attaquer à leur source, le ressort psychologique.        

De cela, ces ONG se disant réalistes, ne veulent pas entendre, allant jusqu’à considérer que c’est un trait culturel indépassable, s’alignant ainsi sur les vues des plus intégristes. Ce qui arrange les moins humanistes parmi aux, puisque cela maintient l’arriération de nos pays devenant un véritable business et non un combat pour les valeurs.

Notons, d'ailleurs, que la loi aujourd’hui votée relève d’un modèle qu’on retrouve ailleurs, comme au Maroc. C’est une industrie dont la motivation est de valider des items dans une stratégie et non des valeurs, ou du moins les vraies valeurs selon les réalités avérées.

Ne pas abolir les vraies violences est une violence

Quand une loi s’attaquant aux violences néglige l’essentiel pour l’accessoire, oubliant la cause pour se concentrer sur l’effet, elle n'est qu'une nouvelle violence; et c’est le comble. Car la présente loi se limite aux harcèlements qui ne sont que le résultat du statut inférieur de la femme fondé sur l’absence de loi et la force des convictions religieuses; agir sur les ressorts psychologiques est donc impératif. À défaut de l’égalité successorale, on doit légaliser au moins le lesbianisme et le droit au mariage de la musulmane avec un non-musulman outre le droit au sexe hors mariage.

S'agissant de l’inégalité successorale, dont l'abolition pose aussi des problèmes particuliers du fait des implications diplomatiques que cela pourrait avoir, pourquoi ne pas y préparer le terrain avec les autres droits sensibles ci-dessus évoqués?  Plus particulièrement, pourquoi ne pas saisir cette loi pour rectifier l’oubli de l’article 15 en ajoutant l’abolition de l’homophobie, sujet ô combien sensible et qui fera sauter une grosse entrave à l’admission du droit à la différence, outre l’élimination de la base légale aux tests moyenâgeux de virginité et anaux? C’est avec une telle mesure pour le moins que cette loi sera non seulement ambitieuse, mais aussi révolutionnaire.

Telle qu'elle est, cette loi est, dans la Tunisie actuelle, un texte préhistorique au moment même où l'on s’attendait à de nouveaux véritables acquis. Ce n’est qu’une singerie des critères occidentaux auxquels échappe la Tunisie nouvelle avec ses réalités sui generis. C'est aussi un aplatissement devant les minorités intégristes dont les plus modérées sont prêtes pourtant à légaliser au moins l'homosexualité.

Or, ne pas abolir les vraies violences pour se concentrer sur des violences qui en sont la conséquence, c'est ajouter une violence nouvelle à ces violences. Ainsi, au final, cette nouvelle loi se réduit-elle en l'état à une violence faite aux femmes.

Passer du bricolage à une oeuvre révolutionnaire
   
Il serait salutaire que les sincères militantes et militants, se retenant de se tromper sur le vrai combat humaniste qui se doit d'être intégral, osent donc demander au président de la République de ne pas promulguer cette véritable offense à la femme tunisienne en vue de l'améliorer. Et, pour le moins, obtenir l'abolition de l'homophobie.

Il leur faut arrêter avec cette langue de bois consistant à présenter comme une avancée cette loi dite intégrale de lutte contre les violences faites aux femmes, et qui n’a rien d’intégral que l'omission des plus terribles violences, n’étant donc qu’un alignement sur une conception désincarnée des droits de la femme, réduits à l’accessoire, le principal n'étant même pas acquis chez nous. Il nous faut donc répudier ce prototype de texte juridique pondu par des ONG et plaqué sur les réalités différentes des pays d’islam où l’essentiel est justement absent : l’égalité des sexes.

C'est ce qui fait même de cette loi une reculade, un « bricolage à la marge » selon l’expression de l’une de ses défenseurs acharnées, Madame Chaabane.* Surtout que c'est maintenant qu'il nous faut réclamer les vrais droits des femmes, dont surtout l'égalité successorale et l'abolition du test de virginité et de l'homophobie.

Pour cette dernière initiative salutaire, rappelons-le encore, il aurait suffi et il suffirait d'ajouter dans cette loi l'article 230 à la suite du 229 nommément indiqué dans l'article 15.** Ainsi, le texte en l’état n'aurait-il pas été qu’une défaite pour les femmes; ainsi deviendra-t-il une vraie victoire pour elles et pour la Tunisie!
 
Les militant-e-s sincères se doivent donc d'oser réclamer du président de la République de ne pas promulguer cette loi et de la renvoyer pour une nouvelle délibération rectificative, ainsi que le lui permet la Constitution. Ce serait bien le moins pour honorer ses engagements envers la femme tunisienne. Ne peut-il rééditer ce que Bourguiba a osé faire en un temps où la femme n’attendait ni ne méritait autant de droits et de libertés qu’aujourd’hui?
    
C'est bien le moment d'octroyer leurs droits aux femmes, d'autant plus que les intégristes religieux y sont prêts, étant aux abois! Faut-il ne pas céder à leur minorité dogmatique, allant au-delà de ses désirs. Ce qu'on a fait avec cette loi devant donc être impérativement améliorée pour l'honneur de la Tunisie faite femme.

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Publié sur Huff Post