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I-SLAM : ISLAM POSTMODERNE








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jeudi 8 janvier 2015

I-slam, rêve-olution mentale 6

Nos enfants, ces monstres à notre image


  

L'odieux attentat criminel ayant décimé la rédaction du journal satirique français Charlie Hebdo livre maintenant quelque peu ses secrets, notamment l'identité de ses perfides auteurs. Comme on s'en doutait, ce sont certains égarés de nos enfants, pour reprendre une expression fameuse du chef du parti islamiste tunisien.

Avec cette horrible caricature que donnent les terroristes de notre foi, pourtant humaniste à la base, c'est donc l'affaire des caricatures du prophète qui revient de la façon la plus dramatique à la surface des événements.

Une schizophrénie entretenue

On le sait, la caricature est l'art de faire prendre conscience d'une réalité qui dérange; c'est ce que font les terroristes, qu'ils soient de l'étranger ou de chez nous. Leurs actes sont bel et bien le fruit d'un état délétère de la mentalité arabe musulmane dominée par une terrible confusion des valeurs, dénotant quasiment une schizophrénie entretenue.  

Qu'est-ce donc d’autre qu'une psychose délirante cette discordance de notre pensée, de nos émotions et de notre rapport au monde extérieur, que nous mesurons tous les jours, dont nous sommes conscients de la nuisance, mais que nous taisons?

Aussitôt le drame perpétré, on a vu les réactions chez nous passer de l'extrême de ceux qui saluaient l'acte à celui de qui voulaient l’ignorer avec la classique théorie du complot contre l'islam. De fait, les uns et les autres choisissent de ne pas voir nos défauts, préférant regarder la paille dans l'oeil de leur prochain, ignorant la poutre qu'ils aux aux yeux.

Le pire en cela est cette attitude éhontée chez certaines de nos élites tunisiennes et non des moindres. Tout en sacrifiant à la cause de style de rigueur en la matière qui consiste à dénoncer le crime, assurer leur parfait rejet de pareil acte, on s'empresse de trouver des excuses à l'acte, estimant que la victime avait dépassé certaines limites, des lignes rouges.

Ce faisant, ces élites délitées ne savent pas que leurs paroles sonnent dans les têtes brûlées en une incitation au meurtre. On manque ainsi à l'éthique en relativisant l'abomination, excusant indirectement le coupable en chargeant la victime.

Non, Charlie Hebdo n'a été coupable que de ce qui faisait son honneur : être impertinent. Or, la démocratie est impertinence ou ne l'est pas ! Charlie Hebdo n’a fait qu’agiter salutairement des idées et des images qui dérangent. Or, c’est ce qui dérange qui révèle nos failles, pointant du doigt ce qui ne va pas en notre psychologie profonde, faisant et défaisant nos actes et nos paroles.

Et ce qui ne va pas chez nous, c'est notre rapport à l'altérité, notre refus d'autrui, notre prétendue élection en termes de valeurs !

Une foi caricaturée

Cela rappelle un mythe, celui du peuple élu, que nous reprenons à notre compte en termes de sacralité de notre tradition islamique. Ainsi ne faisons-nous que du tort à notre foi pour laquelle le sacré est bien plus moral que matériel, loin de la conception du tabou.

Car tabouiser le sacré, c’est relever de la pure tradition judéo-chrétienne qui se retrouve ainsi en islam, consacrée par nos attitudes et surtout ces lois liberticides dont l’effet pernicieux est immense, puisqu’elles forment notre inconscient collectif.

Ce ne sont pas les caricatures du prophète qui constituent un blasphème; c'est notre manière de penser et de lire notre foi éminemment humaniste et d'abord spirituelle; l’islam des origines ayant été hautement tolérant, se voulant oecuménique, célébrant l'altruisme. Qui tue une âme, tue l'humanité entière, dit le Coran; et les interdictions y sont récurrentes à semer le désordre sur terre, le moindre d'une telle absence d'ordre étant déjà la mauvaise intention source des pires réalisations auprès des âmes faibles.

Dans nos lois mêmes, dans ce qu'on tait, nous cultivons le manque de cohérence et de morale, justifiant le rejet du différent, niant la liberté d’autrui de vivre sa vie privée,  de penser à sa guise, le surveillant dans son intimité bien que l'ordre public ne soit nullement concerné. De telles lois scélérates font tout simplement un délit de la pensée libre, du comportement original. Or, le délit des uns engendre le crime chez les autres.

On ne mesure pas à quel point notre inconscient  est vicié par tout ce non-dit formé par des préjugés sur notre foi dont on fait une incitation indirecte au meurtre  par des traditions supposées islamiques et qui n'ont rien à voir avec ce fonds spirituel de l'islam populaire marqué par un désir profond, et même hédoniste de paix. Le soufisme des origines en donne la meilleure illustration bien avant le fameux slogan consistant à s’adonner à l’amour pour éviter de faire la guerre !

Ceux qui persistent à faire des caricatures du prophète un crime ne se rendent pas compte qu'ils justifient la barbarie d'hier, continuant à semer par d’autres moyens la haine et l'exclusion dans les têtes. Dans le même temps, ils dénaturent l'islam, révélant l'incorrection de leur lecture d'une foi qui mérite mieux que la caricature tragique qu'on en donne.

Conformer les dires aux faits

Comment s'étonner que l'on vienne à voir Daech partout quand on voit le ramdam hallucinant fait dans certains de nos pays pour une insignifiante scène d'un film comme Exodus, ou hier Persépolis, bien plus causé par les errements coupables des uns et le silence complice des autres ? Car Daech est déjà dans les têtes de nombre de ceux que nous fréquentons, n’ayant en apparence rien du terroriste.

Aussi, comme il n'est de meilleure preuve que celle des actes, il est impératif que les islamistes parmi tous ceux qui dénoncent aujourd'hui l'acte criminel perpétré hier à Paris le disent clairement : il n' y a pas eu blasphème avec les caricatures du prophète, Charlie Hebdo n'ayant franchi aucune ligne rouge, n’ayant été que dans son rôle de fou du roi. Ce qu’encourage notre foi.

Il est impératif aussi que les laïques reconnaissent la vraie cause d'une telle abomination représentée par nos lois scélérates qui font tout pour empêcher que germe dans nos pays la culture de l'altérité et des sentiments. Car ces lois d'exclusion de l'altérité sous toutes ses formes cadenassant les libertés, figeant les esprits dans un dogmatisme mortel entretenant un moralisme qui n'est que tartuferie.

Certes, il est aussi légitime de ne pas dédouaner l'Occident — ne serait-ce que du fait de sa prééminence dans le monde — et qui ne fait rien sauf à ajouter de l'huile sur le feu, se contentant de gérer les crises, ce qui les attise, au lieu d'agir sur les causes.

Or, aujourd'hui, c'est l'absence de véritable solidarité qui est la source de tous nos maux résumés pour beaucoup par la perpétuation de la violation de la légalité internationale en Palestine ou, encore plus proche de nous, par l'impossibilité de circuler librement. C’est bien cela qui fait que nombre de nos jeunes préfèrent mourir pour une cause injuste plutôt que vivre une injustice tous les jours.

Toutefois, cette légitime revendication à faire à l’Occident impose une autre  incombant en premier à nos dirigeants, en ce sens que le dogmatisme occidental actuel, avec son attachement aveugle à un ordre international périmé, se goinfre de notre pusillanimité à le contester, étant incapable que nous demeurons aussi incapables que lui, au nom d'un fallacieux principe de réalité, de rompre avec notre soumission aux diktats occidentaux.

Ainsi, nous restons bien, au final, maîtres de nos actes et de notre destinée, non pas en faisant ce que nous voulons, mais plutôt on acceptons ce que nous ne voulons pas, n’étant même pas capable d’y appeler, quitte à échouer.  

C’est ce qui fait que nous avons le monde que nous méritons. Car il est bien avéré que les enfants ne font que reproduire soit la noblesse de leurs parents, s’ils reçoivent une éducation éthique, soit leur incompétence à les éduquer en les gâtant ou en négligeant leurs besoins. Ainsi, entretenons-nous nos monstres qui ne sont faits qu’à notre image !   
              

Publié sur Leaders