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I-SLAM : ISLAM POSTMODERNE








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vendredi 5 décembre 2014

Ordo amoris, une tunisianité 8

Futurs patrons de la Tunisie : comment les contrer ?



  
Nous utilisons ici le terme patron dans une acception autre que celle qui lui est attribuée habituellement en politique ; c’est le pattern qui nous intéresse, soit modèle, type ou schème ; et au-delà de sa structure globale, le noyau mythique qui le constitue.

Car que triomphe l’un ou l’autre des deux candidats qualifiés pour le second tour de la présidentielle, la Tunisie n’échappera pas à un schéma de gouvernance, un pattern of government, un patron qui est à coloration soit politiquement libérale soit religieusement intégriste ; dans les deux cas, elle sera ultralibérale.
 
Aussi, nous indiquerons dans cette rapide analyse ce qu’il faudrait faire pour échapper à ce qui se résoudrait fatalement à restaurer dans les deux cas la dictature dans le pays : celle de l’argent-roi ou de la morale immorale.

Patron de l’argent-roi 

Il s’agit d’argent-roi, car le patron du camp se présentant comme moderniste baigne dans le culte de l’économie libérale et la culture de l’autorité de l’État et son prestige, quitte à ce que cela soit au détriment du peuple, de son désir avoué de libertés et de plus de solidarité sociale.

M. Caïd-Essebsi est certes libéral, mais plutôt sur le plan du modèle économique, à peine en termes de morale publique. Or, le libéralisme est aussi politique et social, supposant un pouvoir décentralisé avec une participation effective d’autorités régionales et locales et du simple citoyen dans et hors la société civile, le pouvoir libéral étant l’affaire de tout un chacun.
  
Le vrai libéralisme est aussi dans des mœurs libres, la seule loi valable en la matière étant celle de la non-ingérence dans la vie privée des gens. Pourtant, rien dans le programme du candidat se présentant comme libéral ne laisse entrevoir une libéralisation plus grande de la société des liens moraux obsolètes qui sont immoraux au vrai, comme il sera précisé plus loin, et qui entravent les élans individuels pour vivre en créatifs tels qu’ils le sont. En cela, il ne se distingue pas trop du programme moralisateur de son rival intégriste.

La similitude est par ailleurs totale avec son programme économique aligné sur la doxa capitaliste, ne voulant faire de la Tunisie qu’un marché ouvert aux gourous internationaux de la finance. Aussi serait-il judicieux que le camp se voulant moderniste se détermine à la remise en cause des lois scélérates de l’ancien régime en matière de libertés privées.

Pareillement, et comme il lui est hors de question de se couper du camp occidental et de son modèle économique, il devrait aller au bout de la logique capitaliste en proposant la création d’un espace de démocratie méditerranéenne où les hommes circuleront aussi librement que les marchandises, et ce en tant que premier pas vers une adhésion de la Tunisie à l’Union européenne, seule alternative logique à l’actuelle dépendance structurelle de notre pays à l’égard de l’Europe.

Patron de la morale immorale      

Il est question ici de cette fausse morale se prétendant islamique quand elle est plutôt issue de la tradition judéo-chrétienne, pudibonde et liberticide. Elle est représentée par le candidat se prétendant indépendant, démocrate et militant des droits alors qu’il est sinon intégriste, du moins le soutien des plus  dogmatiques dans le pays. Il est plutôt le candidat du parti islamiste qui se distingue par son programme économique puisant dans le capitalisme le plus désuet, car le plus sauvage.

Si, sur ce dernier point, il ne se distingue pas de trop son rival, à la conception plus rationalisée malgré tout, c’est sur le premier qu’il doit apporter les preuves de son humanisme et son sens démocratique. C’est d’autant plus indispensable qu’on risque avec lui une double dictature : non seulement politique, mais aussi morale.

Aussi, c’est encore à lui d’être plus soucieux d’abolir les lois de l’ancien régime niant au Tunisien ses libertés intangibles et consacrant l’exclusion et la discrimination. Il doit avoir le courage de déclarer non islamiques toutes les dispositions de notre droit positif se présentant faussement en conformité avec l’islam alors qu’elles en font une mauvaise interprétation, bafouant son esprit et sa lettre, comme en matière d’homophobie d’apostasie, d’inégalité successorale, de boissons alcoolisées ou du respect du sacré qui est, en notre foi tolérante et universaliste, moral avant d’être matériel.

Il s’agit bien évidemment d’une coupure radicale avec la lecture erronée qu’on fait actuellement de l’islam et qui nous a valu l’horreur absolue qu’est Daech. Aussi, la Tunisie, forte de sa foi aux racines spiritualistes soufies et rationalistes asharites, doit militer sur le plan aussi bien national qu’international pour un islam œcuménique, démocratique, tolérant et ouvert à l’altérité.

Il en ira de son avenir ainsi que de celui de la Tunisie comme démocratie nouvelle, une démocratie postmoderne, car la Tunisie est encore à l’enfance de la démocratie, cette part de l’éternité, comme disait Bachelard, de cette immémorialité qui est en chaque humain.

Or, le temps de la légende peut renaître sur sa terre à la faveur de l’effervescence actuelle, cet illud tempus de Mircea Eliade ou le « non-où » de Corbin, une Tunisie Nouvelle République, hors du temps médiocre de l’Orient, hors des lieux communs mesquins de l’Occident, le référent constant de l’imaginaire de son peuple étant l’originalité.          


Publié sur Al Huffington Post 
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