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lundi 13 janvier 2014

Vers la postdémocratie 8

14 janvier 2014 : le peuple est le roi clandestin



On sait qu'au plus près de l'étymologie, la révolution (revolvere) est un retour  à l'origine. Elle est donc la révélation de ce qui est permanent, durable, originel. Pour le peuple, c'est son génie, cette essence qui fait l'identité véritable du pays auquel il appartient (l'un s'apparentant à l'autre, en fait) par-delà les vicissitudes du temps, et surtout des hommes qui sont nécessairement imparfaits. Pour ceux des hommes qui prétendent inscrire leur destinée dans celle de leur peuple et de leur pays, c'est la révélation de leurs ressorts intimes, ce qui se cache derrière la tactique et la stratégie.
L'homme sans qualité est roi
En révolution, le roi est pour le moins nu, quand il ne passe pas de vie à trépas. On oublie souvent que le vrai roi du temps postmoderne est invisible; car c'est la marque du temps, sinon son empreinte majeure; et elle est exprimée par l'homme sans qualité, l'enfant du peuple, le quidam de la rue, le tout-venant; bref, ces masses qui font bouger l'histoire, et qui sont les révolutionnaires pour de vrai.
Nos célèbres contes des Mille et une Nuits, cette source éternelle d'inspiration, représentative de la sagesse populaire orientale, ne sont pas peu diserts sur la figure du monarque abandonnant tout pour revenir au milieu de son peuple, y retrouver son âme perdue par le pouvoir.
Par ailleurs, c'est le propre des moments de crise, qui est synonyme de jugement, de révéler aussi la vérité profonde des choses. On imagine à quel point de véracité atteint la mise à nu des vérités en un moment comme celui que nous vivons, réunissant tout à la fois les caractéristiques de la révolution et de la crise tout en se situant à l'orée d'une époque nouvelle, celle de la postmodernité.
Or, comme son étymologie le précise, une époque est une parenthèse; et le propre d'une parenthèse est de se fermer une fois ouverte. L'époque postmoderne venant de s'ouvrir, cela suppose forcément que la parenthèse de l'époque moderne qui l'a précédée soit fermée. C'est ce qu'on s'obstine à se refuser de faire en continuant à reproduire les valeurs dépassées de cette modernité qui fut grandiose à plus d'un titre, mais qui n'est plus de mise, n'étant désormais qu'une momie.
De plus, chaque époque a une figure qui lui sert de modèle, de manière d’être dans la vie sociale ; c'est ce que Durkheim appelle une « figure emblématique ». Jusqu'à hier, c'était celle de l'adulte, ce fut la figure emblématique de l'époque moderne : sérieux, moralisateur et même machiste. Aujourd'hui, en postmodernité, c'est le jeune, effronté de préférence, adolescent à la découverte des sens, jeune pas encore arrivé, pas encore établi, nomade et souvent en révolte; bref, ce qu'on a appelé l'enfant éternel, un peu à l'image paroxystique du « zoufri » de nos villes. Cet enfant éternel est repérable dans les masses, ces tribus modernes qui recréent, même à l'excès, par la violence aussi, les solidarités anciennes autour d'affections communautaires, des communions électives.
L'altérité est reine
En postmodernité, on n'est plus assigné à résidence comme avant, dans une identité unique et affichée; aujourd'hui, on est souvent ailleurs qu'à l'endroit où l'on est censé être; ainsi que l'avait déjà vu Rimbaud « Je est un autre ».
On vit plusieurs vies en une seule, et dans cette profusion de vies, cette soif d'exister ici et maintenant puise sa force dans une recherche effrénée des racines, un retour non pas au passé, mais à ce qui fut premier, originel — ce qui est le vrai sens de l'archaïque. Et ce moins pour se recroqueviller sur soi que pour se renforcer et aller vers l'autre, le différent.
Certes, on a cru dépassé l'archaïque avec la mythologie moderne progressiste, mais il revient; le progressisme vrai n'étant qu'une progressivité qui va dans tous les sens. Le temps scientifique n'est-il pas bien loin d'être une durée linéaire; plutôt une collection d'instants, un temps cyclique, spiralesque, le cercle nietzschéen ou ce retour du même, toujours renouvelé?
En cette journée célébrant le troisième anniversaire de la Révolution tunisienne, il nous faut trouver une nouvelle perspective pour scruter notre pays en pleine mutation postmoderne. Il ne suffit plus de l'identifier à un projet éculé, n'y voir qu'une simple identité unique et figée. Il importe d'y relever ses masques divers, ses identifications multiples qui sont en train d'évoluer, dans une sorte de mise au point photographique, vers un donné où l'apparence n'est plus tout juste apparente, étant enracinée, un enracinement dynamique.
Pour paraphraser Nietzsche, ce n’est pas en faisant « de la poussière et du bruit que l’on est le carrosse de l’histoire »; c’est en se basant sur une pensée solide, dans le silence de l’incubation du vrai chercheur, ou encore mieux au milieu de son peuple, que l’on peut être à même d’entendre, en sa réalité, le bruit de fond de notre pays.
Et le bruit de fond de la Tunisie, la revendication première de ses masses, ces enfants éternels turbulents, ce roi qui n'est plus si clandestin, cherchant tout simplement à reprendre son pouvoir pour ramener la vie ayant déserté les palais du pays, c'est une exigence de dignité. Et celle-ci est d'abord d'avoir les moyens de vivre correctement et de mener une vie de libertés, une existence libre quitte à être libertaire, ouverte sur le monde, cette altérité absolue dont la quête trotte dans l'imaginaire populaire tunisien.
Vers une postdémocratie
Comme on sait, depuis Gandhi, la différence entre la force et la violence, on ne peut ignorer, aujourd'hui, celle entre le pouvoir institué, qui n'a plus l'aura d'antan, et la puissance sociétale, désormais seul pouvoir instituant.
Or, la puissance populaire impose une horizontalité du pouvoir, une diffraction des centres de décisions et une participation populaire en lieu et place de la représentation classique de la souveraineté.
La démocratie peut être rénovée en Tunisie en passant de la démocratie représentative à une démocratie participative, plus directe et moins formaliste. Cela impose des élections municipales et locales bien avant des élections nationales, un système électoral uninominal plutôt que de liste et une plus grande implication de la société civile dans la marche du pays.
Elle implique aussi une plus grande ouverture du peuple et du pays sur les réalités incontournables d'aire géostratégique méditerranéenne appelée à devenir, tôt ou tard, un espace de démocratie.
C'est de transfiguration du politique qu'il s'agit, une refondation de la pratique politique pour une postdémocratie à inventer en Tunisie et dans le monde.
Le peuple qui a été le premier à faire la révolution 2.0, ce coup du peuple de nos temps postmodernes, est bien capable de poser les jalons d'une démocratie qui ne soit plus la légalité trouée d'illégalités dans laquelle la démocratie occidentale formelle est tombée.
C'est le défi que doivent relever les élites politiques en faisant, après le peuple tunisien, leur propre révolution; et elle sera d'abord mentale.

Publié sur Leaders