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vendredi 6 décembre 2013

Fin et faim d'un paradigme 2

Ce qu'on retiendra de l'héritage de Mandela



Pour qui scrutait le ciel, la nuit d'hier, il aurait certainement distingué une lumière inhabituelle, celle d'une étoile montant d'Afrique; Nelson Mandela venant de rendre l'âme après une mission bien remplie sur terre.
Celui dont la mémoire est aujourd'hui unanimement saluée fut incontestablement une figure éminente de notre temps bien trouble, manipulant la parole comme une arme politique dans un combat acharné contre l'apartheid gangrenant son pays dont il voulait faire une « nation arc-en-ciel ».
Condamné, au départ, à la prison pour incitation à la grève, celui qui n'a jamais cessé de dénoncer la ségrégation raciale, fut finalement jugé, en 1964, pour complot conte la sûreté de l'État, sabotage et haute trahison.
En un procès devenu célèbre, celui qui allait devenir le plus vieux prisonnier politique du monde y a défini les principes de son combat politique : « J'ai chéri l'idéal d'une société libre et démocratique dans laquelle tout le monde vivrait ensemble en harmonie et avec des chances égales. C'est un idéal pour lequel j'espère vivre et que j'espère accomplir. Mais si nécessaire, c'est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir. »
Libéré en 1990, il dira aux foules l'acclamant : « Je suis ici devant vous non pas comme un prophète, mais comme votre humble serviteur. C'est grâce à vos sacrifices inlassables et héroïques que je suis ici aujourd'hui. Je mets donc les dernières années de ma vie entre vos mains. (...) Nous avons attendu trop longtemps notre liberté. Nous ne pouvons plus attendre davantage. C'est le moment d'intensifier notre combat sur tous les fronts. Relâcher nos efforts à présent serait une erreur que les générations qui nous suivront ne nous pardonneraient pas. La vision de la liberté, qui point à l'horizon, devrait tous nous encourager à redoubler nos efforts. Notre marche vers la liberté est irréversible. Nous ne pouvons pas laisser la peur l'emporter. Le suffrage universel dans une Afrique du Sud démocratique, unie et non raciale est notre seule voie vers la paix et l'harmonie entre les peuples. »
Son combat inlassable contre l'apartheid connaîtra son apothéose en 1991, année de son abolition officielle. Et il lui vaudra le prix Nobel de la paix deux ans plus tard en compagnie du président sud-africain. À cette occasion, il rendra un vibrant hommage aux militants des valeurs qui « ont eu la noblesse d'esprit de s'opposer à la tyrannie et à l'injustice, sans chercher leur gain personnel. Ils ont compris qu'une blessure faite à une personne est une blessure faite à l'humanité, et ont agi ensemble pour défendre la justice et le sens commun de la décence humaine. »
C'est dans ce discours qu'il dessinera les traits de la politique qu'il sera appelé à appliquer à la tête de l'État, dès à son investiture le 10 mai 1994 : « Ainsi vivrons-nous, car nous aurons créé une société qui reconnaît que tous les hommes naissent égaux, et que tous ont le droit à la vie, à la liberté, à la prospérité, aux droits humains et à une bonne gouvernance. Une telle société n'autorisera plus jamais que certains soient faits prisonniers à cause de leurs idées. »
Élu le 27 avril 1994 à la tête de l'État, il est devenu le premier président noir de l'Afrique du Sud. Son ambition en tant que président de tout le pays sans distinction aucune fut décrite en ces termes : « Le temps est venu de panser nos blessures. Le moment est venu de réduire les abîmes qui nous séparent. Le temps de la construction approche. Nous avons enfin accompli notre émancipation politique. Nous nous engageons à libérer tout notre peuple de l'état permanent d'esclavage à la pauvreté, à la privation, à la souffrance, à la discrimination liée au sexe ou à toute autre discrimination. Nous avons réussi à franchir le dernier pas vers la liberté dans des conditions de paix relative. Nous nous engageons à construire une paix durable, juste et totale.»
Cette politique, il s'attachera à la mettre en œuvre durant un mandat unique, quittant la politique en 1999, évitant de s'accrocher au pouvoir. C'est qu'il était conscient, comme il le disait de ses « erreurs » et ses « insuffisances », se définissait comme « un homme comme les autres, un pécheur qui essaie de s'améliorer ».
Celui qu'on a comparé à Gandhi ou à Martin Luther King et dont le président américain Clinton a dit « le triomphe de l'esprit humain, le symbole de la grandeur d'âme née dans l'adversité » a veillé durant son combat politique à militer aussi pour le consensus et le pardon nécessaire pour les fautes passées de ses adversaires. Déjà, dès sa libération, il en donna l'exemple le plus éloquent en allant jusqu'à serrer la main du procureur afrikaner qui devait le pendre en 1964, et rendre une visite de courtoisie à la veuve du Dr Verwoerd, théoricien de l'apartheid.
Durant son riche parcours politique, il s'abstiendra de chercher à se venger, constituant à travers le pays des commissions dénommées « Vérité et réconciliation» à la recherche de compromis avec le régime d'apartheid, les leaders, serviteurs civils, policiers et militaires étant appelés à y confesser leurs crimes et à demander pardon.
Malgré l'œuvre colossale ainsi accomplie, il est fréquent en Afrique du Sud aujourd'hui de s'interroger sur la pérennité de l'héritage démocratique qu'a laissé Mandela, les fortes inégalités et des injustices perdurant dans la République « arc-en-ciel », au profit de certaines minorités de privilégiés, notamment blancs. D'aucuns regrettent même qu'il n'y ait pas eu dans leur pays une révolution pour une véritable redistribution des richesses, des droits et des privilèges au profit de la majorité noire.
Il ne reste pas moins que l'histoire retiendra certainement le nom de Mandela comme l'exemple parfait de l'artisan d'une transition démocratique paisible, réussissant à instaurer dans son pays la règle démocratique, relevant alors de l'utopie, de « un homme, une voix », évitant à sa patrie de sombrer dans une guerre qui aurait été assurément sanglante.
En cela, celui qui disait fièrement « On peut tout m'imposer, mais détruire ma dignité, jamais ! » a réussi à assurer à l'Afrique du Sud une  transition réussie vers une forme de démocratie, encore imparfaite certes, loin d'être la plus parfaite égalité, mais dans la dignité assurée à tous.
C'est probablement ce qu'il faudra  surtout retenir de l'héritage de Madiba (son vrai prénom, Nelson lui ayant été donné par un missionnaire) Mandela, et ce aussi bien en Afrique que dans le monde. Car rien ne remplace la dignité, quête majeure des peuples, plus motivés par elle pour se révolter, s'y sacrifier même, que par les notions classiques d'égalité et de démocratie.  
Publié sur Nawaat