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I-SLAM : ISLAM POSTMODERNE








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mercredi 6 mars 2013

Un espace de démocratie 5

Quand la jeunesse danse, elle milite pour la liberté 

La danse est une arme majeure de contestation de tout embrigadement, la meilleure réponse au régime policier qui verse forcément dans l'horreur en voulant empêcher ce qui n'est qu'une forme pacifique d'expression, mais la plus radicale négation de son autorité quand elle devient illégitime, voulant corseter les mouvements les plus naturels.
La danse est enfin à l'honneur, aujourd'hui, dans les rues de Tunisie. Et ce n'est que justice pour ce peuple qui a la gambille et le baladi dans le sang et dont un hédonisme réel, de tout instant de la vie, le porte à esquisser un pas de guinche, faire onduler son abdomen et aller à un youyou, laisser entendre un air de mélodie. C'est l'art de la rue comme ultime arme de lutte pour nos libertés, arme de destruction massive de toute dictature liberticide, attaquée dans son talon d'Achille, son affectation de la vertu, sa pudibonderie.
Que d'airs mélodiques remplissent l'air de nos villes ! Que de pas chaloupés accompagnent les moindres instants de notre quotidien dans une chorégraphie de la vie tout en trémoussement, tout en sensualité !
La danse comme une épure artistique de la liberté est consubstantielle à la nature arabe et à l'esprit islamique; elle est de toutes nos fêtes traditionnelles et de toutes nos manifestations spirituelles. Elle n'est pas juste un aspect d'art de vivre raffiné arabo-musulman, elle est aussi et surtout le ferment de cette contestation qui gît dans l'âme arabe et dont l'islam a fait bon usage. Il est venu, en effet, la magnifier par un chef-d'œuvre de poésie orale donnant à l'expression de la beauté corporelle une dimension supplémentaire par le modèle artistique ultime qu'est le Coran, dont la déclamation est du pur art de haute volée.
Puis, vinrent les soufis et leurs transes extatiques reprenant les extases populaires immémoriales ayant toujours eu un lien étroit avec les bacchanales grecques et les fêtes du dieu chtonien qu'est Dionysos. Qu'est-ce donc, sinon qu'une contestation de l'ordre établi dans une élévation irrésistible vers le divin, que la danse de l'ordre mevlevi des Derviches tourneurs, par exemple ? 
C'est contre cette apparence de liberté des corps et des esprits que les intégrismes de toutes sortes ont toujours lutté et ont invariablement échoué, car on ne peut rien contre le désir du corps de bouger et l'envie de la voix de chanter. Notre coran n'est-il pas, lui-même, un hymne au chant le plus mélodieux, à la déclamation la plus sublime ? Et la poésie, n'est-elle pas la seconde nature de notre langue, où tout est déclamation, où tout n'est qu'assonances et rimes poétiques ? Or, la poésie appelle à la danse et la danse est un hymne à la liberté !
Danser, c'est écrire le nom de la muse des peuples émancipés ou cherchant à l'être; c'est laisser libre cours à l'intimité liant le souffle, la vibration et les gestes de tous les jours. Elle est le champ d'honneur pour renouer avec notre musique intérieure et être en harmonie avec notre corps et sa musicalité propre.
Le corps de l'Arabe est justement sensuel et sa musicalité est quasiment céleste. C'est l'extase du silence quand il se fait verbe divin; c'est la magie de la parole quand elle se pare de signes éloquents et de clins d'œil verveux. Et c'est la voix qui est une voie mystique où l'entièreté de l'être est retrouvée dans une sensation de sa globalité.
La danse corporelle est aussi une danse vocale où surgit la spontanéité que censurent la morale pudibonde et la politique déconnectée des réalités populaires. Toutes deux, elles expriment les émotions du peuple à travers les ressentis de sa jeunesse qui reste le moteur de sa créativité, libérant ses énergies immenses, faisant circuler son génie de la base à son sommet où végète une élite autiste.   
Le phénomène du Harlem Shake qui secoue aujourd'hui la Tunisie n'est pas étranger au pays; ce n'est qu'une expression originale rendant compte de l'authenticité de ce peuple tant niée par ses élites, et qui fait son génie. Car le peuple tunisien est un artiste dans l'âme qui exprime par son corps ce qu'on l'empêche de dire par la parole ou par le geste; alors il danse ! Et c'est une danse d'autant plus subversive qu'elle n'est que cette protestation incendiaire contre la caricature de la gambille des politiciens, la pantomime qu'ils offrent de l'art politique.
Contre l'art politique dévergondé de nos élites, une revue d'opéra bouffe de la politique, le peuple donne dans les rues une chorégraphie de haute facture en s'adonnant à une danse postmoderne, dionysiaque, en cette époque de la sensualité et des sens débridés, cette ère des foules où la communion émotionnelle est à son maximum.
Dans la danse de nos jeunes, tout l'art politique, redevenu cet art poétique qu'il reste toujours, y passe : le contrôle des mouvements pour éviter les pas de travers, la liberté de parole pour snober la langue de bois, le lâcher-prise des réflexes conditionnés, n'en gardant que le meilleur et l'utile, l'écoute de ses sensations comme empathie avec l'autre qui n'est que cet autre soi-même, et surtout le plaisir du jeu qui n'est pas un remake de figures surannées d'une politique à l'antique, mais une improvisation renouvelée où tout un chacun a droit au chapitre dans cette sorte de jeu de rôles œcuménique.
Avec l'abandon corporel que semble être la danse, c'est ainsi une invitation à un abandon des conceptions dépassées de la pratique politique coupée des masses pour fusionner avec celles-ci, s'y abandonner corps et âme par une exacerbation de tous nos sens dans une improvisation de tout instant, seule en mesure de traduire la sincérité dont le peuple a soif et qui manque cruellement à nos politiques.
C'est ce que leur apprend notre jeunesse dans nos rues avec sa danse libre, une liberté du corps correspondant à un esprit libre, libéré de tout dogmatisme. Que de trésors sur l'art de la politique apprendront donc nos politiciens en regardant et en encourageant à danser nos jeunes !
Nos autorités actuelles ont plus à gagner en comprenant cette vague libératrice et en l'accompagnant au lieu de chercher à la contester et à la brimer, sinon elles seront emportées par elle. Car c'est une vague de fond venant d'une centralité souterraine qui commence à affleurer à la surface. De plus, on ne rame jamais à contre-courant si l'on veut vraiment avancer. Or, l'époque est à la sensualité, ce que j'ai qualifié d'ère des sens.
Tunisie, danse donc avec ta jeunesse ! C'est un hymne non seulement à ta Révolution et à liberté, mais c'est aussi un combat artistique pour tes valeurs qui sont dans un esprit libre en un corps libéré de toute contrainte. Et c'est bien l'esprit de la danse, ta danse révolutionnaire, un militantisme libertaire contre l'activisme liberticide.
Publié sur Leaders